Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

S. LOCHTIN brique dans celle des secteurs voisins; mais le plus souvent ils sont avant tout préoccupés d~eux-mêm~s. L~ur lutte désespérée pour survivre, menee de Jour et de nuit, ne leur laisse pas de temps pour _la propagande politique. La tête de p~nt est dommée par une hauteur d'où l'ennemi balaie de son feu les Soviétiques et n'épargne aucun effort pour les exterminer. Le l?ersonnag~principal est le jeune lieutenant Motovilov, officier d'artillerie attaché à la brig~de, et l'_hl:stoir~es~ vue avec_ses yeux. Motovtlov a reJomt 1armee au sortir de l'école et il a!teint l'âg~, ~'homme _pendant la guerre. Bon citoyen soviettque, patriote, ennemi des ennemis d~ son _pays,il comprend même jusqu'à un certam point les différences idéologiques qui séparent les nazis des communistes. Sans être très profond, il est sincère et honnête. Le roman contient peu de politique et, pour une fois, les r~f~rences à SJaline et au _Parti sont fugitives. Le recit ~st centre sur 1~bataille ~t sur ses problèmes te~hniq~es et hum_ams.Survivre est la question pnmordiale. « Ou Je tue l'Allemand ou c'est lui q_ui~e tue », dit un soldat qui résume par là sa situat~on. Les actes de courage et d'héroïsme vont de pair avec les souffrances, les atrocités, la bêtise et même la lâcheté. Les militaires peints par Baklanov ressemblent aux combattants de n'importe quel pays, ils sont fiers et modestes, passent de l'abattement à l'espoir, sont braves et craintifs, dignes de confiance et menteurs. Le monde dans lequel ils vivent n'a rien à voir avec ce que l'on trouv~ dans un manuel de propagande. La raison et la Justice n'ont pas leur place ici : un héros trouve 1~mort à l'instant de son plus grand exploit, · un officierméritant mais complètement épuisé est cassé.d~ ~on grade et versé dans une compagnie de discipline alors qu'un lâche est promu. La note la moins orthodoxe de tout le roman soviétique de guerre est sans doute l'histoire du poltron d' Unpouce de terrain, le deuxième classe Kozintsev, dans le civil trompettiste d'un orchestre de danse. Après trois ans passés à distraire les Allemands dans un cabaret d'Odessa occupée, il est enrôlé à la libération de la ville et versé dans l'unité de transmission de la tête de pont. Motovilov l'envoie réparer une ligne de téléphone endommagée; Kozintsev renâcle devant un ordre qui l'éloigne de son abri relativement sûr et l'expose au feu de l'adversaire. Il sort pour inspecter la ligne et revient bientôt en déclarant que tout est arrangé. Quand les Allemands attaquent quelques heures plus tard, le lieutenant constate que le téléphone ne fonctionne pas et que Kozintsev a menti. Mais la chance ·est du côté du lâche. Loin à l'arrière, de l'autre côté du fleuve, le commandant de la brigade est au repos dans un village épargné et s'emploie à réunir une fanfare pour ses troupes. Il y a place pour le trompettiste, qui est rappelé du front. Motovilov a besoin de son opérateur et son reu d'empressement à obéir lui vaut cinq jours d arrêts, Cette punition, parfaitement insiBiblioteca Gino Bianco 361 gnifiante en plein cœur de la bataille, est une blessure pour sa fierté. Le trompettiste traverse le fleuve avant l'attaque des Allemands et échappe au massacre. Si le livre a ses admirateurs, Baklanov a été critiqué de différents côtés et pris à partie à trois reprises l'année dernière dans la Gazette littéraire. Le principal grief qui lui est fait est son « remarquisme » (imitation d'Erich Maria Remarque), tendance qui depuis longtemps fait froncer le sourcil aux critiques soviétiques. * )f )f L'OUVRAGE de Constantin Simonov Les Vivants et les morts 3 appartient à un genre différent. L'auteur a été lui-même trop longtemps correspondant de guerre pour ne pas être tenté de présenter la guerre dans sa totalité et de donner une coupe des événements à tous les niveaux, de l'état-major général jusqu'à la section d'infanterie. Le tableau est bien plus proche de la version des choses acceptée par le Parti que ne l'était le compte rendu détaillé mais forcément limité des opérations dans son secteur fait par le subalterne de Baklanov. Le dogme oblige l' écrivain à énoncer un certain nombre de principes généraux, puis à y adapter les péripéties de l'histoire qu'il raconte. La guerre comme sujet littéraire doit être un vaste panorama dans lequel les individus sont à l'arrièreplan et les événements politiques importants à l'avant-scène. Les péripéties ne servent qu'à ill~strer les idées développées et à expliquer les raisons profondes du succès ou de l'échec. La manière de Simonov est, dans une certaine mesure, fidèle à ce procédé. Son héros, le commissaire politique Sintsov, parcourt des centaines de kilomètres, entre en contact avec beaucoup de monde, bavarde avec des soldats, écoute parler des généraux et des commissaires politiques. C'~st un témoin, un objectif d'appareil photographique vers lequel convergent tous les courants et tous les événements. Ses aventures sont d'une nature plus psychologique que physique : les considérations politiques lui traversent sans cesse l'esprit et il s'évertue bien plus à expliquer la nature et les causes des revers qu'à prendre part à la lutte. Les pérégrinations de Sintsov donnent à Simonov l'occasion de dépeindre la situation sur la ligne de feu et à l'arrière. Politiquement, c'est un tableau stalinien : Sintsov croit au Parti et à la personne de Staline. Tout le mal qui l'accable et les malheurs du pays sont une « faute » et n'ont rien à voir avec la moindre erreur de jugement du chef. On distingue en filigrane des accusations à l'adresse des dirigeants de la police J?Olitique et il y a des allusions peu flatteuses à léJov. Des 3. Jivyé i miortvyé in Znamia, Mo,cou 1959, n°• 4, 10et11.

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