Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

328 n'importe où, sans en informer au préalable les fonctionnaires soviétiques ? Comment l'URSS pourrait-elle éviter l'âge des biens de consommation durables et des services si 20 °/4 de son produit national brut, qui vont aujourd'hui au budget militaire, étaient libérés ? L'Union soviétique est prête pour l'âge de la haute consommation, techniquement, structurellement (instruction et qualification de la maind'œuvre), psychologiquement (comme en témoignent la littérature et la politique) et même par certaines tendances de son économie (logement et biens de consommation durables). Mais le régime s'évertue à ne pas se laisser emporter par le courant, à réserver l'essentiel de l'accroissement du revenu annuel aux besoins militaires et aux investissements. L'URSS veut convertir sa maturité en primauté mondiale en retardant l'avènement de la consommation de masse. Non parce· que ses chances de victoire sur l'Occident sont si bonnes ou que sa sécurité ne peut être mieux assurée et à moindres frais, ou encore parce qu'il est de son intérêt national de continuer la course aux armements. Elle agit de la sorte parce que le communisme est une forme sociale appropriée seulement au côté offre du problème de la croissance et destinée sans doute à dépérir à l'âge de la haute consommation. Comment persuader les Russes de reconnaître la diffusion de la puissance et d'accepter l'âge de la haute consommation ? Il nous faut prouver d'abord que nous ne les laisserons pas prendre assez d'avance pour leur faire apparaître rationnelle une solution militaire temporaire ; ensuite que les nations sous-développées, aujourd'hui principal espoir des communistes, peuvent fort bien marcher vers le démarrage tout en restant dans l'orbite démocratique (c'est là le point le plus important); enfin qu'il existe pour l'URSS une solution intéressante et vivante, autre que la course aux armements ou la capitulation. Il s'agit quant à nous de définir avec précision la part du chemin que chacun devrait faire. La dynamique Buddenbrook CELAdemandera du temps. Mais la dynamique Buddenbrook* finira par jouer en Russie, si une politique occidentale ferme ôte leur réalisme aux idées soviétiques d'expansion. Staline créa une généra~on de techniciens qui prirent la relève des vieux conspirateurs bolchéviques. Cette deuxième génération soviétique, les cadres des années 30, « décide tout » aujourd'hui ; mais ses enf~ts aspire~t déjà à des choses que la société 0:eee par Staline ne peut pas leur fournir. On discerne une revendication croissante de la dignité • Du nom de~ famille mise en scène par Thomas Mann ~s son prermer roman (1901). C'est l'histoire d'une lignée_ d~ co~er~ts solides qui, en quatre générations, aboutit a des mdividus raffinés mais fragiles (N.d.l.R.). Biblioteca Gino Bianco ------- LE CONTRAT SOCIAL de l'individu, de la dignité nationale et culturelle russe, d'une consommation plus élevée, non pas dans le futur, mais dès maintenant. Ces tendances n'ont pas encore triomphé, mais la dynamique des générations et la diffusion mondiale de la puissance pourraient, avec le temps, résoudre le problème de la paix, si l'Occident fait le nécessaire de son côté. Les armes nouvelles et le démarrage des pays sous-développés ouvrent pour les dirigeants soviétiques des perspectives qu'en fin de compte ils pourraient juger plus dangereuses encore que d'accepter l'âge de l'automobile pour tous et du pavillon de banlieue. La Grande- Bretagne et l'Europe occidentale ont à jouer un rôle de dignité, d'initiative et de responsabilité dans un monde où la puissance se répand. Leur action peut être décisive pour que les pays sous-développés passent par les conditions préalables et le démarrage sans succomber au communisme. La structure du Commonwealth offre au colonialisme le modèle d'une solution de rechange. La Grande-Bretagne ferait bien de laisser là ses préoccupations économiques secondaires telles que la vente à crédit et les relations de l'Église et de l'État pour se préoccuper du troisième plan quinquennal de l'Inde, du succès duquel dépend pour une bonne part l'avenir du Commonwealth. L'Europe occidentale a aussi un grand rôle à jouer dans le processus d'initiative, de communication et de négociations avec le monde communiste. Dès maintenant, c'est seulement sur un petit nombre de problèmes que Washington et Moscou peuvent agir autrement que des puissances moyennes. A certaines exceptions près dans la course aux armements et toutes proportions gardées, il n'y a pas de contribution que l'Angleterre et l'Europe occidentale ne puissent et ne doivent apporter à leur avenir et à celui du monde, tout comme les États-Unis. Pour ces nations, la leçon des phases de croissance est que leur sort est comme toujours entre leurs mains. VIII. - La Russie et l'Amérique ON SEFAITen général du développement économique de la Russie une image à part. Or, au cours du siècle passé, ce développ~ementest remarquablement similaire à celui des États-Unis, avec un retard d'environ 35 ans pour le niveau de la production' industrielle et d'environ 55 ans pour la prodüction industrielle par tête d'habitant. Le cas russe, en considérant à la fois les expériences tsariste et communiste, cadre bien avec l'analyse des phases de croissance. · Dans l'American Economie Review de mai 1957, l'étude de M. G. Warren Nutter, « Évolution de l'économie soviétique : quelques observations sur la çroissance industrielle soviétique », comprend un tableau de la production industrielle

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