LA HONGRIE TROIS ANS APRÈS par Paul Ignotus PLUSDETROISANSaprès l'écrasement de la révolution, le fossé entre le régime imposé par les Russes et la masse de la population hongroise est toujours aussi large. Il est cependant une chose que les Hongrois voient du même œil que leurs gouvernants : tous aimeraient que la vie redevienne « normale ». Le gouvernement semble hanté par le souvenir du soulèvement et n'épargne aucun effort pour prévenir une renaissance de l'esprit de 1956, oscillant entre une tactique d'indulgence et la répression administrative. La population est tout simplement lasse d'événements dramatiques, déçue dans ses espérances et indifférente à l'égard de la politique. Son principal souci est désormais de gagner sa vie et de jouir des modestes plaisirs offerts par le retour à une existence relativement calme. Cette soif de tranquillité se reflète dans les principales réalisations du régime. Toute la main-d' œuvre disponible a été concentrée pour reconstruire Budapest et effacer les traces des combats de la « contre-révolution ». Les observateurs étrangers sont frappés par l'ordre et la propreté de la ville, du moins de ses quartiers du centre. L'un des grands bâtiments reconstruits et entretenus avec soin est l'ancienne caserne Kilian, forteresse des combattants de la liberté qui avaient à leur tête Paul Maleter, exécuté depuis. Bien qu'elle ait servi de caserne depuis toujours, on l'a maintenant convertie en un immeuble d'habitation. Progrès vers l'inégalité LES CONDITIONdSe vie sont indiscutablement meilleures, bien que le degré d'amélioration soit difficile à évaluer. Les statistiques, si elles ne sont pas complètement truquées, sont tellement manipulées pour les besoins de la propagande qu'il est impossible de s'y fier. Certaines affirmaBiblioteca Gino Bianco tions du régime ont été énumérées en décembre dernier par Odon Kishazi, ministre du Travail, dans un discours où il résumait les réalisations de 1959 : Les salaires réels (...) atteignent à la fin de 1959 et dans certains cas même dépassent le montant prévu pour la fin du plan triennal en 1960... Les salaires nominaux ont augmenté de 2 à 3 %. Les heures de travail de quelque 30.000 travailleurs ont été réduites 1 • Le ministre a reconnu qu'une augmentation de 2 à 3 % ne signifiait pas grand-chose étant donné le bas niveau des salaires. Il déclara qu'il existait d'autres facteurs qui amélioraient les conditions de vie, mais ne précisa pas lesquels. En tout cas, les prix n'ont pas été réduits. Tous ceux qui circulent dans le pays sont cependant unanimes à reconnaître que la situation matérielle s'améliore quelque peu depuis la consolidation du régime. Dans les villes, le choix des marchandises exposées dans les vitrines est relativement plus grand (bien que le plus souvent la qualité soit très mauvaise) et les restaurants, cafés et cinémas sont très fréquentés. On donne à la population toutes possibilités de se détendre. Les fêtes de Noël en particulier fournirent l'occasion de prouver que la vie normale était enfin revenue, comme en témoignaient à la fois l'atmosphère émotionnelle - non marxiste - et la fièvre saisonnière du commerce. Les tentatives de· minimiser l'importance de Noël en tant que fête religieuse ont été abandonnées et Gyula Kallai, vice-président du conseil des ministres, alla jusqu'à célébrer « notre Noël» sous un gros titre dans un article où il combinait citations de l'Évangile et données commerciales dans le genre de celles-ci : Cette année, le samedi et le dimanche avant Noë), le chiffre d'affaires des magasins de Budapest a dépassé 1.. Nepszava, 25 déc. 1959.
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