Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

FRANCE ET U.R.S.S. : ÉCONÔMIES COMPARÉES par B. Autnont Au COURS DE SON VOYAGE en France, du 23 mars au 3 avril, N. Khrouchtchev a prononcé de nombreux discours, allocutions et improvisations dont toute la presse a rendu compte. Les discours et allocutions sont reproduits in-extenso par la Documentation française (n° 2666 des Notes et Études documentaires), indépendamment des innombrables publications communistes. Les improvisations et propos a bâtons rompus sont parfois plus révélateurs que les paroles officielles. Lors d'une visite à la station agricole de Pichegu, dans le Midi, Khrouchtchev se vit offrir des plus beaux produits végétaux de la région, notamment de splendides épis de maïs. Mais à son hôte qui lui proposait d'inviter en France des agronomes soviétiques, il répondit par un dicton russe très répandu : « On ne va pas à Toula avec son samovar » 1 , voulant signifier ainsi que les Soviétiques n'ont rien à apprendre en la matière. Réplique assez caractéristique d'une attitude générale de condescendance qui consiste à laisser entendre : « C'est bien, mais chez nous encore . mieux.» Est-ce toujours vrai ? Il ne sera pas inutile de reprendre quelques-unes des récentes déclarations de Khrouchtchev pour en vérifier le bien-fondé. Les progrès de l'industrie « Notre production industrielle par tête d'habitant sera la première en Europe en 1965 » ( déclaration à la Télévision française le 2 avril 1960). Quel crédit peut-on accorder à cette affirmation ? Selon A. Deteuf, « on peut faire dire tout ce que l'on veut aux statistiques à condition de ne pas révéler comment elles sont faites >> 2 • Cet apho1. Toula est célèbre en Russie pour ses samovars. 2. Pro,pos d'un confiseur, par O.-L. Baranton, industriel, ancienllhJede l'Écolepolytechnigue, Paris 1937, Biblioteca Gino Bianco · risme s'applique à merveille aux statistiques soviétiques. Si les chiffres ne sont peut-être pas systématiquement falsifiés, on les présente selon des définitions complètement différentes de celles en usage dans les pays occidentaux. Voici quelques exemples : Les Soviétiques ont déclaré produire en 1958 495,7 millions de tonnes de charbon; ils comprennent sous ce terme 142,8 millions de tonnes de lignite 3 ; or, pour que les chiffres soient comparables à ceux de la France, il faudrait dire que l'URSS produit 400 millions de tonnes « de charbon » en comptant le lignite à sa valeur calorifique en unités charbon. De même les Soviétiques indiquent qu'en 1958 ils ont produit 419.000 tracteurs sans préciser toujours qu'il s'agit d'unités conventionnelles de 15 CV qui correspondent en réalité à 219.700 tracteurs sortis des usines. Ainsi, même lorsqu'il s'agit de termes simples comme charbon, tracteurs, etc., les mots n'ont pas le même sens en russe et en français. A fortiori, des concepts abstraits comme revenu national, production industrielle, etc., permettent aux statisticiens soviétiques, grâce à des artifices de méthode 4 , de présenter les résultats les plus extravagants. Ainsi entre 1950 et 1958, d'après les statistiques, le revenu national aurait augmenté de 2,3 fois, mais selon les méthodes occidentales cet accroissement n'est que de 1,7 fois 5 • De même pour la production industrielle, l'accroissement entre 1928 et 1955 n'est pas de 20,6 fois (chiffre officiel)mais de 12,1 fois si on le mesure 3. L'Économie nationale de l'URSS en 1958, p. 204. 4. Par exemple, alors que la production industrielle française se calcule en France par addition des valeurs ajoutées de chaque branche, en URSS la comptabilisation se fait en valeur brute. 5. Joint Economie Committee; Congress of the United States: Comparisons of the U.S. and Swiet UnionEconomies; Washington, D.C., 1959, p. 390,

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