TH. RUYSSEN d'autre part, des territoires et États associés.» La République étant en principe « une et indivisible » ( art. 1), il ne peut être question de fédération entre la métropole et les départements ou territoires d' outre-mer ; en revanche, les relations entre la République, ainsi élargie et les anciennes colonies érigées en Etats ou territoires associés se prêtent largement à une organisation de type fédéral. D'où vient cette intrusion de l'esprit fédéraliste dans le droit public d'un État traditionnellement centralisateur ? La raison en est évidente. En 1946, la France pouvait encore espérer retenir dans un réseau fédéraliste ses colonies d'Asie plus ou moins détachées d'elle pendant la seconde guerre mondiale. Espoir qui se révéla bientôt illusoire : toutes les colonies françaises d'Extrême- . Orient se sont érigées en États souverains, ne consentant en faveur de la métropole que diverses servitudes de caractère culturel ou économique ; dans cette région, toute perspective de fédéralisme est manifestement perdue. · Une autre chance s'offrait à la France : on put entrevoir un instant la possibilité d'établir une Confédération maghrébine comprenant, sous l'égide de la France, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc ; mais les deux États dits «protégés» ont préféré l'indépendance totale ; et les relations de la France avecl'Algérie resteront indéterminées jusqu'au jour, probablement assez lointain, où les Algériens, Européens et musulmans, se seront prononcés sur le destin de leur commune patrie. * ,,.,,. RESTEle vaste et complexe monde africain. En renonçant, par la voix du général de Gaulle, à toute emprise de caractère colonialiste sur ses possessions d'Afrique, la France ouvre à celles-ci d'amples possibilités d'organisation de type fédéral. Une tentative semble déjà assez réussie : la République du Mali groupe en une fédération le Sénégal et le Soudan. Cependant le Mali est traversé de courants divergents et certains agitateurs réclament l'unification politique des deux pays. En revanche, un des principaux leaders de l'Afrique noire, Léopold Senghor, déclarait récemment possible et désirable la constitution de toute l'Afrique-Occidentale française en une vaste confédération de communautés autonomes. Devant ces divergences, gardons-nous de préfigurer la physionomie de l'Afrique noire. Comment connaîtrions-nous les aspirations de quelque 150 million~ d'indigènes, alors qu'ils ne les connaissent pas eux-mêmes et qu'au surplus, à part une élite fortement marquée de culture occidentale, les masses noires n'ont qu'une très vague conscience de leur solidarité ? Une carte récente de l'Ouest africain montre que l'ancienne Afrique-Équatoriale française et le Congo belge réunis ne comptent pas moins de Biblioteca Gino Bianco - 141 I. 500 ethnies différentes, conscientes de leurs particularités, jalouses de leur identité. Sait-on que, du Sahara au Cap, le nombre des langues négro-africaines dépasse 600, sans compter les particularités idiomatiques qui varient souvent d'un village à l'autre. Les systèmes sociaux, bien que manifestant certaines affinités, ne sont pas moins différents. A quoi il convient d'ajouter l'influence néfaste de la colonisation, le tracé arbitraire de frontières qui ont séparé des populations relativement homogènes et en ont groupé de différentes, la perturbation apportée par la propagande religieuse, chrétienne ou musulmane, dans les traditions ancestrales. Enfin il va de soi que dans un continent où la piste est encore la principale voie de communications, les relations intellectuelles demeurent difficiles; l'éducation des consciences en vue d'une vie politique unifiée sous une forme ou une autre exigera sans doute les efforts de plus d'une génération. Dans la situation extraordinairement fluide et tumultueuse de l'Afrique noire actuelle, il n'est certes pas exclu que le fédéralisme, selon des formules qui peuv~nt aller de l'attachement au particularisme au souci d'une solidarité plus élargie, soit de nature à inspirer de fécondes expériences; mais il paraît évident que de tels essais ne pourront être tentés que par des hommes instruits aux expériences occidentales. Ces élites semblent ne pas devoir manquer : en Afrique française, au Congo belge, en Afrique du Sud ont surgi récemment des personnalités qui ne manquent pas de sens politique. L'avenir du continent noir est entre leurs mains ; puissent les ambitions personnelles, dont certains exemples récents font redouter la malfaisance, ne pas compromettre l'épanouissement de l'âme noire, pour l'enrichissement commun de la culture humaine ... * ,,. ,,. TOURNONS-NOvUerSs le Proche-Orient. En 1958, l'Égypte et la Syrie se sont jointes en un État fédéral, la République arabe unie ; mais tous les efforts du colonel Nasser pour grouper tous les États dits arabes de cette région en une confédération ont échoué. La Ligue arabe, bien qu'elle dispose au Caire d'un somptueux immeuble, demeure inconsistante et inefficace; elle offre peu de chances au fédéralisme. Celui-ci ne témoigne d'une réelle vitalité que dans les pays imprégnés de culture occidentale; or le monde musulman se montre singulièrement peu perméable à cette culture ; il n'en adopte guère que les procédés industriels. Il est notoire que l'élite musulmane éprouve un profond m1.Jaise à se sentir en marge des grands courants de la pensée et de l'activité· contemporaines. La culture musulmane, si brillamment créatrice dans un passé déjà lointain, s'immobilise dans
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