Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

LES CHANCES DU FÉDÉRALISME par Théodore Ruyssen DANS UN RÉCENT ARTICLE l consacré au Fédéralisme selon P.-J. Proudhon, nous avons rappelé la prédiction de cet écrivain : « Le xxe siècleouvrira l'ère des fédérations, ou l'humanité recommencera un purgatoire de mille ans 2 • » , Depuis lors, un siècle a déjà passé, qui, marqué par deux guerres mondiales, a été à bien des égards le purgatoire annoncé; cependant nous avons noté que ce même siècle n'a pas manqué d'apporter à la prophétie de Proudhon de substantielles confirmations. Il vaut sans doute la peine d'insister sur cette constatation, de dresser avec plus de précision le bilan actuel du fédéralisme ; et peut-être cet examen de la structure politique du monde d'aujourd'hui nous permettra-t-il d'entrevoir les perspectives de succès de l'idéal proudhonien. * )f- )fLA PRÉDILECTION de Proudhon. pour le fédéralisme est avant tout de nature spéculative ; il aperçoit dans la fédération une heureuse synthèse de l'autorité centrale indispensable à tout corps politique et des libertés dont les fédérés ne doivent abandonner que le minimum nécessaire à la bonne gestion des intérêts communs. Mais la théorie s'éclaire toujours chez lui à la lumière de l'histoire, surtout de la plus récente. Un exemple lui paraît significatif entre tous, celui de la Confédération helvétique, voisine de sa Franche-Comté natale, où il a séjourné quelque temps; c'est à celle-ci qu'il réserve sa plus constante, sympathie. L'excellence des institutions fédérales des cantons le frappe d'autant plus que la Suisse vient 1. Contrat social, novembre 1959. 2. Principe fédératif, éd. Rivière, p. 355. Biblioteca Gino Biancode surmonter une crise qui aurait pu être mortelle. En 1842 le parti radical, composé surtout de protestants, avait obtenu de la Diète l'expulsion ~es ,ordres religieux; sept cantons catholiques se liguerent sous le nom de Sonderbund et résolurent de sortir de la Confédération ; mais les élections de 1846 ayant renforcé la position des radicaux, la Diète décida de s'opposer par la force à cette tentative de sécession. Une armée fédérale, commandée par le général Dufour, vainquit en trois semaines les troupes rebelles et l'unité fédérale fut rétablie (1847). L'année suivante la Constitution fédérale fut amendée; le nouveau texte reconnaissait aux cantons le droit de modifier leur propre constitution, mais à une condition : c'est que les changements expriment non des reculs, mais des progrès par rapport aux principes communs des cantons fédérés. Proudhon qui, dans La Guerre et la paix, vient de reconnaître à la force un rôle légitime dans la genèse. du droit, témoigne de la haute satisfaction que lui inspire la victoire des radicaux suisses ; ceux-ci, en sauvegardant l'unité fédérale, ont en réalité assuré la liberté de tous les cantons, rebelles compris 3 • Il est à peine exagéré de dire que Proudhon reconnaît dans la Constitution helvétique l'idéal même de la fédération; son esprit libertaire s'y sent parfaitement à l'aise, car à ses yeux cette confédération n'est même pas « précisément un État : c'est un groupe d'États souverains et indépendants, ligués par un pacte de garantie mutuelle... » L'autorité fédérale n'est pas davantage un gouvernement, mais « une agence créée par les Etats pour l'exécution en commun de certains services » 4 • Or, au moment où Proudhon écrit Du principe fédératif (1863), un autre État fédéral se trouve aux 3. Ibid., p. 350. 4. Ibid., p. 320, note.

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