134 Corruption généralisée LE PRINCIPALATOUTdu régime semble être que les citoyens, en particulier en matière économique, n'observent pas les règlements. Les autorités tolèrent avec nonchalance la corruption, afin que les choses continuent de marcher « normalement ». Si les données sur l'accroissement du chiffre d'affaires des magasins et des cafés sont exactes, ces dépenses ne concordent certainement pas avec l'augmentation beaucoup plus modeste des revenus légalement acquis. De quoi les gens vivent-ils ? « De ce qu'ils reçoivent de l'étranger et de ce qu'ils chapardent ))' déclarent les voyageurs. En effet, mises à part les deux élites grassement payées - intelligentsia professionnelle, depuis les chanteurs d'opéra jusqu'aux chirurgiens et directeurs d'usine, et haute bureaucratie des secrétaires du Parti, ministres et chefs de la Sécurité, - personne ne peut joindre les deux bouts sans être aidé par l'Occident capitaliste, ou sans profiter de la corruption. L'absence de « dogmatisme » du régime Kadar consiste en l'occurrence à placer à des postes de responsabilité des personnes précédemment étiquetées comme « gangsters typiquement bourgeois » et à les encourager à maintenir des liens commerciaux avec l'Occident. Dans les sovkhozes et les kolkhozes ainsi que dans les magasins et les usines, tout le monde est à l'affût de profits illégaux, par détournement, pillage, etc. De temps à autre on monte un procès destiné à prouver la nécessité de la vigilance envers la corruption 6 , mais la pl~part des gens n'hésitent pas à risquer l'arrestation. Les colis envoyés aux Hongrois par des parents résidant à l'étranger ont à un certain moment représenté une proportion considérable du revenu national ; mais le régime Kadar a adopté à leur égard une attitude de plus en plus rigide. Au début de 1957, toute assistance était la bien- ~enue, même l'aide indivi~uelle d'émigrés politiquement marqués aux pretendus « contre-révolutionn~es » d~131eurésen Hongrie. Plus tard, les envois de 1 etranger furent soumis à des droits de douane, bientôt portés à un taux presque prohibitif. Le but était d'obliger les parents vivant en Occident à avoir recours au canal officiel, grâce auquel le régime se procure des devises fo;tes. Suivant le plan I.K.K.A., chacun ~s~ ~utorisé à. payer comptant des quantités illimitées de biens sans paiement de droits de douane, mais à des prix qui permettent à l'État hongrois de détourner 60 à 80 % de la contrevaleur des marchandises. A la fin de l'année dernière, une campagne fut lancée contre les expéditeurs de colis de secours accusés d'être des agents impérialistes dont le buf est de dresser la population contre son gouvernement. En particulier Anna Kethly, social-démo6. Par ex., cf. « Surveillance inefficace. Détournement de plusie"n c~ntaines d~ milliers àe forints »1 ibid., 24 nov. 19s9. Biblioteca Gino Bianco Lfl CONTRAT SOCIAL crate bien connue et qui fut ministre d'État dans le gouvernement de coalition Nagy, se vit accusée de saper la démocratie populaire hongroise par de faux actes de charité 7 • Tout indique que les Hongrois ne se laissent pas entamer par cette propagande, bien qu'ils puissent craindre que les. destinataires ne soient portés sur la liste noire. 1848 et 1956 SURLE PLANPOLITIQUEl,a situation hongroise s'est consolidée et une nouvelle phase de plat conformisme a été inaugurée. Il a couru des bruits au sujet d'une lutte intestine entre les « centristes » d'une part, dirigés par Janos Kadar et Ferenc Muennich (respectivement secrétaire du Parti et président du Conseil) et, de l'autre, les << gauchistes )), comprenant Antal Apro (premier vice-président du Conseil) et Arpad Kiss (président de l'Office national de planification). Le dernier groupe aurait cherché à évincer le premier. Il est difficile de déceler quelles différences précises existaient entre eux puisque de toute façon c'était le Kremlin qui dictait la politique de « lutte simultanée contre le dogmatisme et le révisionnisme » (qui se ramenait en fait à la persécution des seuls « révisionnistes » puisque les dogmatistes, définis comme des champions de la politique de Rakosi, avaient depuis longtemps cessé de se manifester en public). La différence réelle entre les deux factions était peut-être seulement de degré : Kadar exécutait fidèlement les ordres de répression donnés par Moscou mais sans manifester grand plaisir à le faire, tandis qu' Apro et ses amis auraient été en faveur de la manière forte tout en soutenant la ligne « antidogmatique ». I Quoi qu'il en soit, Kadar semble avoir maintenant le dessus dans le Parti 8 • Sa position a été considérablement renforcée par les encouragements prodigués par Moscou et notamment par Khrouchtchev qui tint à assister en personne au congrès du Parti. Le but principal de Khrouchtchev n'était cependant pas de tendre une main secourable à Kadar; il s'agissait pour lui de démontrer la solidarité soviéto-hongroise dans la liquidation des événements dont la mention provoqua une violente colère de sa part lors de son séjour aux États-Unis. La tournée du premier ministre soviétique à Budapest commença au congrès du 7. « C'est ainsi qu'ils trahissent la patrie», in Nepszabadsag, 25 déc. 1959. 8. Certains changements intervenus dans le haut personnel gouvernemental depuis le congrès du Parti (annoncés notamment dans Nepszabadsag, 16 janv. 1960) l'attestent. Le plus important est la nomination de Gyula Kallai, considéré comme partisan de Kadar, au poste de premier viceprésident du Conseil, qui devient ainsi le successeur de fait du premier ministre Muennich, homme âgé.
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