126 exclusivèment chrétienne et ... européenne. C'est, dans le syncrétisme occidental, négliger l'apport oriental traduit par le judaïsme ou le stoïcisme; celui, plus mystérieux, des autres religions de salut ; enfin la «religion naturelle » des temps modernes. Mais cela sans doute aurait débordé les limites d'une entreprise aux objectifs définis. Une dernière critique concernera la conclusion : le problème des partis est finalement escamoté. A. Philip croit à la nécessité de partis, dégagés de tout dogmatisme, qui seraient d'abord des cercles d'éducation populaire avant de devenir des facteurs du pouvoir. Mais il ne nous dit pas comment les appareils de ces partis, qu'il a durement attaqués dans d'autres textes, doivent être modifiés pour ne pas devenir de nouveaux tyrans et étouffer chez le simple citoyen ce désir de liberté et de responsabilité qui est posé comme condition nécessaire à l'exercice de la démocratie. L.-J. LEBRET: Manifeste pour une civilisation solidaire. Paris, s. d., Économie et humanisme, 96 pp. VOICI une brochure qui résume en termes parfois elliptiques les recherches et points de vue du R. P. Lebret et de ses amis du groupe Économie et humanisme. Leur idéal est de travailler à la naissance et au développement de ce qu'ils nomment une «économie humaine », d'une société qui puisse combler les «besoins authentiques ». Par là ils entendent assurer, au-delà de la satisfaction des besoins matériels, celle, plus difficile, des aspirations morales et intellectuelles des individus. Rien ne distingue leurs intentions de celles de toutes les écoles socialistes du passé. Animées d'un esprit évangélique, catholique et discipliné dans l'Eglise, elles rencontrent paradoxalement celles d'un Proudhon, qui se préoccupa toute sa vie d'opposer la morale de la Révolution à celle de l'Église. Catholique au sens étymologique, le groupe rejette par avance tout ce qui peut limiter la notion générique d'homme : il s'élève contre les égoïsmes ou particularismes, qu'ils soient capitalistes, communistes, totalitaires ou nationalistes. C'est pourquoi sa préoccupation majeure est l'accession des pays sous-développés à un niveau raisonnable de civilisation. Il préconise des études, des analyses objectives et efficaces des possibilités de progrès social dans ces régions ; il rejoint les idées de Gabriel Ardant en mettant l'accent sur l'effort propre des peuples sous-développés plutôt que sur l'aide financière des nations occidentales. Quoique rejetant le communisme et prévoyant chez lui des «crises plus redoutables que les simples crises économiques du capitalisme » (p. 38), l'auteur et ses amis semblent se faire quelques illusions sur les espoirs de progrès éthique que l'on peut fonder en Khrouchtchev et en Mao Tsé-toung (cf. p. 51). Leurs vues reflètent avec sincérité les aspirations d'un monde qui vit Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL aujourd'hui dans l'insécurité et le déchirement. Leurs intentions sont excellentes, mais elles supposent connus et efficaces les moyens politiques ou économiques qui peuvent nous tirer de notre misérable état présent pour nous acheminer « vers l'économie humaine par approximations successives » (p. 78). Il ne suffit pas de dire que l'action à mener est diverse et multiforme pour se dispenser de proposer au moins la première de ces «approximations». A quoi peut servir l'appel à l'enthousiasme pour un idéal lointain si cet enthousiasme fait défaut pour des tâches immédiates ? Ce manifeste reste donc une déclaration d'intentions, une prise de position morale, nullement politique. Parvenir à l'amour fraternel est un problème aussi difficile que de changer le plomb vil en or pur. M. C. Un phénomène inexpliqué HENRI LEMAITRE : Les Fascismes dans l'histoire. Paris 1959, Les Éditions du Cerf, 115 pp. PRÈSde quarante ans nous séparent de la prise du pouvoir par Mussolini et près de trente ans de l'avènement de Hitler, mais le fascisme demeure dans une grande mesure inexpliqué. Le mince volume consacré par M. Lemaître à ce vaste problème ne peut combler cette lacune. Il n'en constitue pas moins un apport utile à l'intelligence de l'histoire contemporaine, surtout par son effort pour distinguer le fascisme desmouvements de droite et des régimes autoritaires non totalitaires. L'auteur s'est attaché tout particulièrement à explorer les rapports entre catholicisme et fascisme. Tout en faisant très honnêtement état des ambiguïtés qui ont marqué les attitudes du premier envers le second, l'auteur n'a pas toujours échappé à une optique partisane. Ainsi, il attache une importance fort exagérée aux encycliques Non abbiamo bisogno de 1931, et Mit brennender Sorge de 1937, dans lesquelles étaient dénoncés les préjudices causés à l'Église par le fascisme italien et le national-socialisme allemand. Or l'autorité pontificale n'a jamais condamné de manière catégorique le totalitarisme et ses protestations se sont limitées aux agissements dirigés contre son propre appareil par les appareils totalitaires. D'autre part, le fait que Franco et Salazar aient su éviter le conflit avec l'Église est pour l'auteur la preuve que leurs régimes ne sont pas 'fascistes. M. Lemaître s'appliquant spécialement à tracer les limites entre le fascisme et les régimes qui présentent avec lui certaines similitudes, on ne saurait lui reprocher d'inclure dans la catégorie examinée tel régime et d'en exclure tel autre.
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