Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

90 de tout esclavageet de toute exploitation » (L'_Union soviétiquedans la lutte pour la paix, documents et articles d'introduction, Moscou 1929, p. 29). LE PREMIER « acte d'État » du gouvernement soviétique fut suivi d'une série de documents du même caractère. Le 19 décembre 1917, le commissaire aux Affaires étrangères adressait aux peuples d'Europe un appel à « resserrer leurs rangs sous la bannière de la paix et de la révolution sociale». Ce texte officielsoulignait que le gouvernement soviétique « ne considère pas les gouvernements capitalistes actuels comme capables de paix démocratique. Seule la lutte révolutionnaire contre les gouvernements existants peut rapprocher l'Europe d'une telle paix». Néanmoins le gouvernement soviétique avait proposé des pourparlers de paix à tous les gouvernements belligérants. Pourquoi ? L'appel du commissaire aux Affaires étrangères en donnait l'explication suivante : Dans les négociations de paix, le pouvoir soviétique se fixe une double tâche : premièrement, parvenir à une cessation aussi rapide que possible de la honteuse et criminelle boucherie qui perd l'Europe ; deuxièmement, aider par tous les moyens dont il dispose la classe ouvrière de tous les pays à renverser la domination du capital et à s'emparer du pouvoir politique aux fins de paix démocratique et de réorganisation socialiste de l'Europe et de toute l'humanité (ibid., pp. 33-35). Le 30 décembre 1917, le commissaire aux Affairesétrangères appelait de nouveau les peuples des pays en guerre à renverser leurs gouvernements et promettait « le plein soutien à la classe ouvrière de chaque pays qui se lèvera contre ses impérialistes nationaux, contre les chauvins, contre les militaristes, sous la bannière de la paix, de la fraternité des peuples et de la réorganisation socialiste de la société » (ibid., p. 40). La promesse d'un plein soutien au mouvement révolutionnaire des autres pays trouva une réalisation partielle dans la résolution du gouvernement soviétique adoptée le 23 décembre 1917. Cette résolution ne fut pas publiée en URSS, mais elle était citée textuellement dans un article dû à l'auteur de Dix jours qui ébranlèrentle monde, John Reed, dont Khrouchtchev a parlé récemment - dans une interview accordée à Macdonald, collaborateur du Times de Londres - comme d'un « remarquable représentant de la presse américaine» qui, « en 1917, a frayé la voie en Occident à :·une compréhension et un éclairage objectif de:[notre vie», qui a écrit un livre qui «- vivra dans les siècles » (Pravda, 16 févr. 1958). John Reed écrivait donc en 1919 que le document en question, signé Lénine, disait que le gouvernement soviétique « juge nécessaire d'aider par tous les moyens, y compris l'octroi de fonds,· Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE l'aile internationaliste de gauche du mouvement ouvrier dans tous les pays, que ces pays soient en guerre avec la Russie, qu'ils soient ses alliés ou qu'ils occupent une position neutre, et qu'à cette fin dix millions de roubles seront affectés aux besoins du mouvement révolutionnaire international » (John Reed : « How Soviet Russia conquered Germany » in The Liberator, Journal of Revolutionary Progress, 19 janv. 1919). John Reed révélait aussi que dès la première semaine de novembre 1917, un «bureau de propagande révolutionnaire international » fut créé au commissariat des Affaires étrangères. Ce bureau devait être fermé peu de temps après, en accord avec les exigences du traité de BrestLitovsk, mais il poursuivit son activité en qualité de « comité officieux» qui reçut du gouvernement soviétique encore vingt millions de roubles pour son travail. * ,,. ,,. SuR CETTE PÉRIODE il existe des documents soviétiques officiels qui attestent l'ingérence du gouvernement communiste dans les affaires intérieures d'autres pays. Un de ces documents est un radiotélégramme du 15 décembre 1918 envoyé par A. A. Ioffé, ancien ambassadeur de l'URSS à Berlin, en réponse à une accusation d'immixtion dans les affaires intérieures de l'Allemagne, avancée par le gouvernement socialdémocrate formé après la chute de la monarchie. Ioffé reconnaissait s'être livré à Berlin à un «travail révolutionnaire parfaitement illégal» et qu'à cet effet un fonds de dix millions de roubles avait été créé, fonds dont « la disposition dans l'intérêt de la révolution allemande avait été laissée au Dr (Oscar) Cohn ». (Pravda, 17 déc. 1918). Désireux de prouver à quel point le gouvernement de Lénine était bien disposé à l'égard des États-Unis, Khrouchtchev citait dans Foreign Aff airs les paroles de Lénine : « Que les capitalistes américains ne nous touchent pas. Nous ne les toucherons pas.» Mais le 20 août 1918, avant même que le corps expéditionnaire américain eût foulé le. sol russe, Lénine écrivait une longue cc Lettre aux ouvriers allemands » (elle occupe 14 pages de ses œuvres) dans laquelle il parlait de Woodrow Wilson comme du «chef des milliardaires américains, valet des requins du capitalisme» (Œuvres, t. 31, p. 52). C'est dans cette même «Lettre» que, justifiant la paix de Brest-Litovsk, Lénine écrivit sa célèbre phrase, à savoir que celui-là n'est pas un socialiste qui I].'a pas prouvé par des actes qu'il est prêt aux plus grands sacrifices de _lapart _de sa patrie, p·ourvu que la cause de 1a révolution· socialiste en soit avancée en fait » (ibid., p. 48). Tout récemment, I'Ogoniok Ganv. 1959, n° 4) racontait comment cette ~ cc lettre » fut apportée ei;iAmérique et remise à un «gro_upe l de camarades· américains»· -par P.· I. Travine, un des

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