Le Contrat Social - anno IV - n. 1 - gennaio 1960

L'ÉLITE TECHNIQUE EN U.R.S.S. par Jerry F. Hough PARTANT de la théorie générale qui veut que le pouvoir politique dépende de l'autorité économique, nombre d'observateurs prévoyaient à la mort de Staline que l'évolution de laJsociété soviétique favoriserait la fortune politique de l'élite technique, c'est-à-dire des administrateurs de l'économie, chefs d'entreprise, ingénieurs et autre personnel technique. La formule de James Burnham, « l'ère des organisateurs », servait à qualifier l'évolution attendue et l'on supposait communément que l'une des conséquences en serait l'avènement de Malenkovtenu pour champion de l'élite technique - comme figure de proue de l'époque post- ~ta1inienne. Les événements n'ont bien entendu pas confirmé ces pronostics. Au lieu de l'émancipation de l'intelligentsia technique de la domination politique du Parti, la période post-stalinienne fut témoin d'une expansion progressive du rôle et de l'autorité du Parti, non seulement dans le secteur économique mais dans tous les domaines de la vie soviétique : dans l'agriculture et la police en 1953, l'industrie en 1955 et l'armée en 1957. Dans le Parti lui-même, il y eut réduction relative des membres appartenant à l'élite technique et chute marquée de celle-ci à l'instance suprême, le Présidium du Comité central. Le tout s'accompagna de l'ascension de Khrouchtchev à une prééminence politique incontestée. !S'appuyant évidemment sur le seul appareil du Parti, il a éliminé, dans sa course au pouvoir suprême, sept membres du premier présidium post-stalinien sur dix. Malenkov fut l'une des premières victimes. Que « l'ère des organisateurs» ne se soit pas ouverte, du moins jusqu'à ce jour, est dft à diverses raisons ; l'une des principales réside certainement dans le fait que l'appareil du Parti lui-même joue un rôle important dans les décisions prises en mati~ industrielle, tant auxéchelonssupérieurs qui élaborent la politiquequ'auxkbelons o~raBiblioteca Gino Bianco tionnels inférieurs. L'autorité économique tend à engendrer le pouvoir politique, mais en l'occurrence l'élite technique n'avait pas - et n'a toujours pas - le monopole de l'autorité économique. Outre la direction économique générale exercée par le Présidium et le Comité central du Parti, un grand nombre de fonctions économiques-clés sont remplies par les échelons inférieurs du Parti ; il en résulte que le contrôle effectif de ce que les marxistes appellent les « moyens de production » se trouve bien plus aux mains de l'appareil du Parti que dans celles de l'élite technique. Un aspect capital mais jusqu'à présent peu connu du rôle du Parti dans la vie économique a trait à ses fonctions et pouvoirs en matière de sélection du personnel pour les hauts postes de direction. Les spécialistes n'ignoraient certes pas que chaque étage de l'appareil du Parti, depuis les comités locaux de district jusqu'au C. C. de l'URSS, dispose d'un certain nombre de postes directoriaux nettement spécifiés et que les nominations et les révocations à ces emplois ne peuvent se faire qu'avec son accord préalable. Tout organisme du Parti a ce qu'on nomme officiellement sa nomenklatoura ou liste d'emplois relevant de sa juridiction. Mais si l'existence de· ce système de contrôle du Parti dans l'industrie était connue, les détails de son fonctionnement effectif restaient obscurs, en grande partie l cause de l'extrême réserve des autorités sur ce point 1 • En fait, le terme même de nomenklatoura 1. L'~tude des archives de Smolensk par le prof. Merle Fainsod ( Smolensk under Soviet Rule, Cambridge, Ma11., 1958) fournit une masse de renseignements sur la nommklatoura. Pendant la période sur laquelle portent les archivce (c.-à-d. l'ensemble des années 30), la région de Smolensk était demeur~e presque exclusivement agricole ; les documents sont donc d'une valeur limitée pour l'étude de l'administration industrielle. D'autre part, les données sont un peu dépassées depuis les changements intervenua dam la structure konomique de l'URSS.

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