388 opération internationale, l'organisation de l'enseignement, le féminisme, etc. » (p. 5). Hâtonsnous d'ajouter que sera proscrit le culte « du psittacisme, de la phraséologie» (p. 55). Comment en outre n'être pas -touché par ces déclarations préliminaires au jeune lecteur : « J'ai passé ma vie à essayer de me cultiver, péniblement, et pour toi » (p. 6). La vision de l'auteur cc à la veille d'une retraite qui [lui] permettra tout juste de vivre de pain et d'eau fraîche» (p. 50) serait même émouvante si l'on ne savait que jamais cc J.G.-D. » ne sera condamné au pain et à l'eau, fût-ce pour avoir écrit un tel livre. La Religion de la Culture n'est qu'un long purgatoire, pavé de bonnes intentions : dans cette obscurité où l'on chemine à tâtons, l'éclat de quelques perles guide seul, d'une page à l'autre, le promeneur solitaire. Au risque de grossir un peu le volume, on aurait pu lui ajouter pour la commodité de la lecture un petit index des principales curiosités. Par exemple : A (Aberration) : cc Il n'y a plus de rideau de fer ou d'incompréhension mutuelle entre Asie et Europe» (p. 74) ; B (Bévue) : cc Le XVIIIe siècle est un immense bavardage parmi les guerres vaines et la misère des peuples » (p. II o) ; C (Calembredaine) : cc Spatialement, sur la surface du globe, quoi de plus différent aussi que la cervelle des paysans français et celle des Hottentots, Moïs ou Papous ? » (p. 15). Quel saint Thomas, enfin, douterait encore de cette nouvelle pêche miraculeuse en poussant jusqu'à la lettre G (Galimatias) : cc Nous sommes tous des aveugles cherchant à dégager la forme d'un éléphant, en n'étant capables (...) que de tâter un morceau limité de la peau du colosse, ou de sa patte, ou de sa queue, ou de sa trompe » (p. 75). On aurait tort de croire que La Religion de la Culture n'est d'un bout à l'autre qu'un consternant sottisier. Derrière les titres prometteurs des trois parties de cette longue dissertation - Définition de la culture, Aspects de la culture, Comment se cultiver ? - se cache en effet une pensée fantomatique, qui s'enfuit quand on· l'approche. Il faut, pour la saisir, la dépouiller de ses scories. Des digressions l'interrompent : « Le retour éternel, hypothèse .cosmogonique ,> ( chap. XX) est-il à sa place dans la IIe partie, Aspects de la culture ? Des banalités l'alourdissent : les critères de la culture sont : 1. la durée (chap. II), 2. la tradition, qui n'est pas la routine (chap. IV), 3. l'existence d'une élite, etc. Les préceptes d'un catéchisme naïf l'encombrent : << Que lire ? » (chap. XXXII), cc Voyager pour se cultiver » (chap. XXXVIII), « Se purifier dans la nature » (chap. XL). Lorsqu'on a dispersé ce bric-à-brac, enfin une idée simple, trop simple, apparaît : deux maux · ravagent le monde, le scepticisme et le fanatisme. Ils ont une même origine, le· sentjment religieux : Biolioteca Gino Bianco r LE CONTRAT SOCIAL autrefois on adorait Dieu, aujourd'hui on adore le Progrès, la Machine. Le mal reste le même : on suit sa croyance en aveugle. Hors de là, on doute de tout. Quel est le remède ? La foi dans toutes les valeurs humaines, culturelles, -·artistiques. Ce credo h11maniste et laïc est en effet, selon l'auteur, . la meilleure défense contre les superstitions et les idolâtries du monde moderne : « C'est à l'école primaire, et dans toµs les pays, qu'il faudrait commencer ce redressement » (p. 33). 11 faut, en somme, régénérer l'humanité par la culture. Cette idée, enfin découverte, n'est pas neuve. Lucrèce déjà, à sa manière, avait traité de la peur, origine des religions, et prôné le retour à la raison. On ne saurait reprocher à l'auteur de mettre en garde, en bon pédagogue, contre la «pseudo-culture». Mais il ne s'est pas méfié de la cc pseudo-philosophie » et de ses délayages obscurs. La religion de la culture n'a décidément pas encore trouvé son grand prêtre. SÉBASTIEN LOSTE. L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain n° plusieurs articles, entre autres ceux de Leopold Labedz, Véra Alexanëirova, Jerry. Hough, etc. A.,... .Commentaires Coiplet, Barrès et Jaurès MONSIEURROBERTCOIPLET'qui tient au Monde la rubrique de la photographie, est curieux à suivre lorsqu'il sort de sa spécialité. Son ton sententieux est inimitable, et semble d'un de ces vieillards de qui la sagesse est nourrie d'une longue expérience. Mais l'auditeur attentif ne perçoit que les propos d'un esprit borné, et de qui l'apparente sérénité n'a aboli ni un préjugé ni une passion. C'est ainsi qu'il a le 26 septembre dernier, à l'occasion d'un ouvrage consacré à Jaurès et dont il rendait compte, célébré à sa façon le centenaire du fameux tribun. Jaurès, monsieur Coiplet ne semble pas beaucoup l'aimer. Mais qui lui demande de l'aimer ? Les vieux sages jugent plutôt qu'ils n'aiment, et il est bien rare que monsieur Coiplet se laisse entraîner par l' enthousiasme. Tout au plus célébrèra-t-il fugitivement, un ·jour, « le grand écrivain qu'est Édouard Drumont» ou dira-t-il un autre jour son admiration pour un roman médiocre, mais vigoureusement antisémite, non d'ailleurs sans témoigner de quelque art du trait final puisqu'il prend soin de terminer son article sur une citation qui est incitation à la haine, incitation à laisser à Dieu les obligations de la charité chrétienne. Les citations sont chose précieuse. Ne permettentelles pas de répandre les pires calomnies sans en assumer la responsabilité ? Et puis elles sont particulièrement à conseiller à qui écrit dans les journaux : le lecteur de journal ne \rérifie évidemment pas les citations, ce qui donne toute licence de faire dire aux morts ce qu'on voudrait qu'ils eussent dit. .Ajnsi, que n'aurait pu dire Barrès sur Jaurès, s'il eiit été Coiplet ! Eh bien, qu'il le dise ! 11 y a peu de chances pour que le lecteur rectifie de lui-même. D'ailleurs, il n'est pas nécessaire de forger des citations : on isole d'abord quelques
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