B. SOUVARINB et Rykov, pour ne nommer que les têtes de liste Poutna et Toukhatchevski, Primakov et Iaki; et les milliers de leurs camarades n'ont pu même penser à commettre le moindre des crimes mentionnés. Ils n'ont pu y penser car ce n'était pas l~ur manière de penser. Etant tous des commumstes éduqués et disciplinés à l'école de Lénine ils partageaient la même. théorie fausse selo~ laqu~ll7 le Parti r~présente le prolétariat, le Conute central represente le Parti, et le Politburo avec so~ secrétariat représentent le Comité ~eD:tra_ld,onc le Parti, donc le prolétariat. Il leur etait mconcevable de remettre cette théorie en question et c'est précisément ce qui devait les perdre : paralysés devant un tabou de leur création, ils ont permis à Staline de tout se permettre. On connaît les idées de tous les communistes ~nvoyés,par Staline ~u supplice : elles sont écrites, nnpnmees, elles existent, et elles n'offrent que des nuances ou des variantes d'une seule et même doctrine, rivalisant au surplus d'orthodoxie« léniniste», de dogmatisme «marxiste». Les écrits qui subsistent témoignent pour leurs auteurs, et non pas les paroles mensongères prononcées aux procès par le président, le procureur les acc?sés et les témoins, to~s d'accord pour e~treterur de monstrueuses fictions au nom de l'intérêt du Parti et d'une Révolution mondiale abstr~te. Mais il ne faut pas oublier qu'une cinquantame seulement de figurants, brisés par des tortures . ~?raies .O? physiques, se sont prêtés aux exh1b1tions srmstres, alors que des milliers et des dizaines de milliers de victimes ont péri obscurément sans laisser de traces écrites. Toukhatchevski et ses compagnons d'armes furent de ceux qui ne laissèrent pas de faux aveux ni de cont~itions à exploiter par la propagande commumste. Les fusillés n'étaient ni contre-révolutionnaires,. ni hostiles au régime, ni ennemis du peuple, ru m~me ennemis du Parti de Staline, tout au COJ?trairepe,t encore moins terroristes, espions ou traitres. as un seul acte réel tombant sous la définition des lois n'a pu leur être reproché. La plupa~t croyaient naïvement pouvoir réformer le~r . ~art1 et leurs institutions par la critique « lemruste », par des thèses savantes et des discu~~io1:1sdoF~t~ques. Pou~ qui ne sait pas ce q~ etaient 1 ?rut~ de pensee, l'orthodoxie docti:m~Ie~ la select1on des adhérents et le pli de disc1plme dans le Parti des années 30, pour qui peut supposer que Lénine se soit entouré uniquement d'espions et de traîtres, de contre- ~év~lutionnaires et d'ennemis du peuple, on msœtera s!lr le fait que le régime policier instauré SOll:I Staline rendait strictement impossible la moindre confidence et la moindre connivence entre deux mécontents. La surveillance et la délation parallèles à la terreur atteignaient un ~int d'~fficacit~ sans précédent nulle part. Comme il est dit plus haut, la confiance avait disparuentre amis, entre membresde la même famille, les relations avaient cess~ de longue Biblioteca Gino Bianco 203 date même entre Zinoviev et Kamenev, entre Boukharine et ses proches : rien n'autorise à croire que Toukhatchevski et Poutna aient pu songer à échanger des intentions subversives, voire non conformistes. Mais l'argument est superflu pour qui sait de qui et de quoi l'on parle. L'examen compétent et impartial des comptes rendus des procès établit que tous les détails vérifiables produits aux audiences étaient faux, que toutes les assertions vérifiables des uns et des autres étaient fausses, sans exception aucune. Il n'y a rien de vérifiable dans l'absence de compte rendu d'un procès Toukhatchevski et consorts. Mais les faussetés précédentes et suivantes répondent de la fausseté intermédiaire, d'autant que l'enchevêtrement de toutes les «affaires» les rend solidaires. Et l'invraisemblance criante d~s accusations conçues par Staline est révélatrice non de la mentalité des accusés, mais de l'état mental de Staline. LE 25 FÉVRIER 1956, N. Khrouchtchev prononçait à huis clos, devant le x.xe congrès du Parti dont il est le premier secrétaire, un discours qui devait être publié quelque temps après par les communistes polonais, puis en anglais par le State Department de Washington (New York Times du 5 juin 1956) et enfin en de nombreuses langues. Dans ce discours dont on a le texte authentique mais quelque peu émondé, le porte-parole du pouvoir soviétique lave les victimes ci-dessus désignées des accusations infamantes forgées par Staline. En effet, il reconnaît que l'expression« ennemi du peuple » employée par Staline pour justifier ~e~ m~sures répressives contre n'importe qui était tnJustifiable ; il avoue que les «pressions physiques » sur les accusés, les «tortures barbares », les «tortures cruelles et inhumaines», les « terribles sévices » sont l'explication des « aveux arrachés par la force ». Vingt fois, il évoque les tortures, sous une forme ou une autre, pour caractériser la façon de rendre la justice sous Staline, et il dénonce rétrospectivement les « méthodes de terreur » naguère mises en vigueur pour viole~ la «légalité révolutionnaire ». Ayant ainsi discrédité les procès de 1936 à 1938 et condamné les milliers d'«exécutions sans procès » sans nommer personne, il en vient à parler de Zinoviev et de Kamenev, qui malgré la gravité de leurs fautes politiques commises du temps de Lénine, exercèrent de « hautes fonctions » : Lénine, dit-t-il, «ne proposa jamais leur arrestation et encore moins leur liquidation ». Khrouchtchev parle ensuite des trotskistes sans ~e ~j~re. et cons.tate que Staline employait « ! a01:11h1latton~hys1que » e~vers des gens « qui n avaient commis aucun cnme contre le Parti et le gouvernement soviétique ». Il n'est donc plus question d'ennemis du peuple •
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