<< L'AFFAIRE TOUKHATCI-IEVSKI >> par B. Souvarine Après le discours secret de Khrouchtchev au xxe congrèsdu P. C. de l'.URSS en.févn·er 1956 et sa divulgation par le State Department des USA, la Commission internationale contre le régime concep.trationnaire prit l'initiative . d'une révision des simulacresde procès politiques mis en scène à. Moscou sous Staline. Sur la proposition de MM. Georges André,· David Rousset et Théo Bernard, une commissiond'i~struction fut nommée qui chargea chacun de ses membres de présenter un mémoire en révision « relatif à un procès déterminé». La question se posa de ce qu'on appelle .à N JANVIER 1937, une terreur particulièrement intense battait son plein en Russie soviétique. Depuis plus de deux ans, c'est-à-dire depuis le meurtre de Serge Kirov à Léningrad (1er décembre 1934), des arrestations en masse, des exécutions capitales, des déportations innombrables se succédaient sans discontinuer, décimant les cadres du parti communiste et_ de l'État soviétique dénoncés i,rbi et orbi comme « ennemis du peuple » et contre-révolutionnaires, comme espions fascistes et bandits terroristes. L'assassinat de Kirov par un jeune communiste n'ayant rien de commun avec aucun groupe d'opposition politique, L. Nicolaïev, avait donné prétexte aussitôt à 117 exécutions capitales officiellement annoncées et à 97 arrestations également avouées, puis à l'arrestation de 12 chefs de la police secrète et enfin à la déportation en Sibérie de quelque 100.000 habitants de Léningrad. Dans tout l'immense pays soviétique eurent lieu ensuite des milliers, des dizaines de milliers d'arrestations, d'emprisonnements et de déportations. Une grande partie de la population des villes, spécialement les milieux communistes, vivait dans une véritable peur panique. Des sanctions pénales d'une brutalité inouïe avaient frappé d'anciens dirigeants du Parti longtemps considérés comme intangibles en Biblioteca Gino Bianco .tort « l'affaire Tou,khatchevski », à tort car il n'y eut ni affaire ni procès Toukhatchevski à proprement parler, mais une tuerie dont l'état-major et les principaux cadres de l'Armée rougefurent victimes par ordre de Staline. Un niémoire à ce sujet, rédigé par B. Souvarine, fait partie du dossier constitué en juillet 1957 par la Commission internationale. On en lira ci-après le texte qui fait justice de toute la propagande trompeuse mise en œuvre par les communistes à propos des « procès en sorcellerie » (expressiontrès juste de Fritz Adler) qui ont fait tant de dupes dans le monde. raison de leur collaboration intime avec Lénine, tels G. Zinoviev, L. Kamenev, G. Evdokimov, jugés à huis clos, ainsi que leurs compagnons les plus en vue parmi lesquels P. Zaloutski, G. Safarov, M. Vardine. La preuve était faite que ni l'éminence, ni l'ancienneté, ni les titres, ni les services rendus ne mettaient aucun personnage à l'abri de la vindicte stalinienne, si haut placé fût-il naguère. Déjà tous les anciens « trotskistes », même repentis, et tous les individus plus ou moins arbitrairement soupçonnés de trotskisme avaient disparu dans les pénitenciers du régime. Aucune opposition d'aucùne sorte n'était possible ni concevable. La terreur avait rendu impossible les rapports confiants entre amis hier très proches et même dans les familles. On s'entre-dénonçait entre parents et enfants, entre frères et sœurs; Ja presse félicitait et le Parti récompensait le fils ayant dénoncé son père. Dès juillet 1928, N. Boukharine disait à L. Kamenev dans une conver- :sation transcrite par celui-ci et d'authenticité indiscutable : « Ne me parle pas par télé~hone car on écoute mes conversations téléphomques. Je suis suivi par le Guépéou, qui surveille aussi chez toi» (texte français dans Contre le Courant, n° 27-28, Paris, 12 avril 1929). Dans les années suivantes, la peur s'était accentuée au point que G. Zinoviev et L. Kamenev évitaient systéma- •
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