104 Politique des salaires LES PREMIERSsignes d'une nouvelle orientation apparurent au XIe Congrès national des syndicats, en juin 1954. Les amendements apportés aux statuts à cette occasion habilitèrent les fédérations d'industrie et les comités syndicaux d'entreprise à intervenir dans les affaires concernant la paye des salariés. L'un de ces amendements stipule en effet que chaque comité fédéral prend des mesures tendant à introduire les normes techniques dans la production et à les perfectionner, ainsi qu'à améliorer l'organisation du travail et de la rémunération ; contrôle l'emploi des fonds de salaires ; vérifie si les systèmes en vigueur de la rémunération du travail sont correctement appliqués ; participe à la mise au point et à l'introduction dans les entreprises, les M.T.S. et les sovkhozes des systèmes de salaire stimulant la croissance de la productivité du travail 5 • Une autre disposition nouvelle fut ajoutée à l'article définissant les tâches des organisations • • pr1ma1res : Contrôle des révisions des normes de rendement ; vérification de l'exactitude de la tarification des travailleurs ; constatation des causes de l'inexécution des normes de rendement par des ouvriers individuels et adoption des mesures susceptibles d'éliminer ces causes ; vérification de l'application correcte des systèmes de rémunération du travail pour les ouvriers et employés ainsi que du calcul de cette rémunération et du payement des salaires en temps voulu. Cependant, ces stipulations changèrent peu de chose dans la pratique. Les syndicats doivent se préoccuper des salaires tout en restant subordonnés à l'administration économique. Ils sont surtout censés obtenir des ouvriers qu'ils fournissent les rendements requis. Bien plus, en majeure partie, les règles définies par les amendements en question ne sont pas nouvelles. Par exemple, l'alinéa concernant les comités d'entreprise ne fait qu'intégrer dans les statuts l'essentiel de deux arrêtés du Conseil central des syndicats : celui du 17 octobre 1947, qui avait chargé les organes syndicaux à tous les échelons de vérifier si les salaires sont versés en temps voulu 6 , et celui du 14 mars 1952 sur les commissions de salaires auprès des comités d'entreprise 7 • Pour le reste, il ne s'agit que d'une nouvelle répartition des fonctions à l'intérieur de la hiérarchie syndicale. C'est ainsi que les comités fédéraux sont appelés à se substituer en partie au Conseil central des syndicats lorsqu'il s'agit d'établir les méthodes de stimulation du rendement • ouvrier. Lorsqu'à peine un an après le XIe Congrès syndical le pouvoir décida de soumettre le système des salaires à une réforme sérieuse, l'étude et l'élaboration de celle-ci ne furent point assignées à l' « association » professionnelle. Un organisme spécial, le Comité d'État pour les 5. Troud, 19 juin 1954. 6. « Recueil des textes législatifs sur le travail » (en russe), Gosiourizdat, Moscou 1956, p. 219. 7. Ibid., pp. 182-184. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE questions du travail et du salaire, fut institué auprès du Conseil des ministres afin de consolider le contrôle d'État sur l'activité des ministres et des administrations en fait de travail et de salaires et d'améliorer cette activité ainsi que d'élaborer des projets de loi et d'arrêté portant sur ces matières 8 • Jusque-là, c'était l'organisation professionn~lle qui, du moins en théorie, devait mettre _au pomt les projets de loi en question. En définissant l~s attributions du Conseil central, les statuts syndicaux stipulent en effet qu'il élabore et soumet à l'examen du gouvernement les projets des lois relatives au salaire, à la protection du . . ' . travail, at1x assurances sociales, ams1 qu aux services matériels et culturels mis à la disposition des travailleurs ; adopte les instructions, règles et commentaires concernant l'application de la législation du travail en . vigueur. Il est vrai qu'en raison de leur impuissance, les syndicats ne manifestèrent jamais d'initiative .en ce sens. Mais après le XIe Congrès, qui avait reçu un message du Parti et du gouvernement annonçant que « les syndicats soviétiques joueront un rôle plus important dans l'édification de l'État, de l'économie nationale et de la culture » 9 , adopté les amendements cités ci-dessus et entendu le président proclamer un « tournant dans l'histoire du mouvement syndical soviétique » 10 , il eût été logique de s'attendre à un renforcement de leur action. Bien au contraire, ils ·se virent contraints de céder une partie de leurs attributions au Comité d'État pour les questions du travail et du salaire. Dépouillée ainsi de son rôle fondamental en matière de rémunérations, l'organisation syndicale fut ensuite réintégrée graduellement dans le nouveau dispositif de la politique des salaires. Le règlement des normes de rendement, adopté par le Conseil des ministres le 15 août 1956, enjoignit aux chefs d'entreprise de réviser et changer les normes « après accord avec les comités syndicaux · de fabrique et d'usine ou locaux » 11 • On prévit même que des divergences pourraient surgir entre la direction et le comité d'entreprise au sujet de l'étendue et du délai de la révision; les organes plus élevés de l'administration économique et de l'organisation professionnelle furent chargés de statuer en pareil cas. Cependant, un arrêté du Conseil central des syndicats du 29 septembre 1956 précisa que les comités doivent s'en tenir à leur fonction d'auxiliaires de l'appareil gestionnaire : , Les comités syndicaux de fabrique et d'usine ou locaux sont tenus d'apporter aux dirigeants des entreprises leur concours dans la mise au point des plans de mesures assurant l'exécution des tâches relatives à l'accroissement de la productivité du travail; d'organiser le contrôle social sur l'application en temps voulu des mesures p~évues ; d'assurer la participation directe 8. Védomosti Verkhovnogo Soviéta SSSR, 1955, n° 8. 9. Troud, 8 juin 1954. 10. Ibid., 16 juin 1954. 11~ Cf. l'article déjà cité de N. Alexandrov.
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