Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

60 comte de Provence ; sur André Chénier, sur Brutus, sur le « Père Duchesne» et sur Néron ; et aussi sur Marat, sur la Terreur, sur les massacres de Septembre. Il ne cache pas son goût pour « la mort des empires» : après la Destructio1i de Carthage, Byzance, et déjà une Chute de l'Empire romain est en préparation. Avec une intrépidité jamais _démentie, toujours la même rigueur dans la méthode, un constant bonheur d'expression, M. Walter écrit, écrit ... Il se trouve des lecteurs pour penser qu'il n'y aurait aucun dommage à ce qu'il écrivît moins. HENRI DussAT Correspondance Un revenant: Bruno R. Au SUJET de l'article de Georges Henein (n° nov. 1958), nous avons reçu la lettre suivante : 6 Janvier 1959 Votre collaborateur ne s'est pas informé comme il l'aurait fallu au sujet du livre de « Bruno R. i>, la Bureaucratisation du monde. Il écrit que « ce que l'on sait » de cet auteur se ramène à ceci : « Antifasciste italien réfugié en France, Bruno Rossi milite d'abord au sein ou en marge de la /Ve Internationale, mais, faute de partager les idées de son chef sur la nature de l'État soviétique, il rompt bientôt ses attaches et publie sa propre thèse, puis disparaît à tout jamais, probablement victime d'une des rafles sans retour de l'occupant. » Je me demande où votre collaborateur est allé chercher un pareil roman. Je crois utile de le remplacer par les quelques précisions suivantes : I. J'ai déjà indiqué le nom de l'auteur dans la Revue internationale, ily a onze ans (juin 1947, n° 16, p. 386), en imprimant ceci : «... Le livre de M. Burnham est la copie pure et simple d'un ouvrage de Bruno Rizzi, intitulé la Bureaucratisation du monde, publié à Paris en 1939, qui présente d'ailleurs quelques originalités de plus. Mais les originalités de M. Rizzi, ajoutées aux platitudes de M. Burnham, ne font jamais qu'un brouet vulgaire, présenté de façon outrecuidante comme le produit up to date de la pensée économique américaine.» L'identité· de Bruno Rizzi est donc parfaitement connue. 2. Quant aux circonstances de la rédaction de son livre, Rizzi écrit lui-même (la Bureaucratisation du monde, p. 334) : « Toujours loin de nos camarades et de la propagande marxiste, nous sommes arrivé à avoir seulement dans le mois de nove,Jllb,.e1938 le n° 9 de la Quatrième Internationale et nous y avons trouvé l'article de Trotski '' Un État ni ouvrier, ni bourgeois ? ". Un mois plus tard, nous nous procurions le numéro spécial de juin 1938 de la Quatrième Internationale avec les rapports de Naville, Trotski et Craipeau. De .là nous est venue l'envie d'écrire ce travail, puisque les idées qui mûrissaient en nous depuis trois ans étaient en contraste avec la pensée de ces camarades. » 3. J'ai rencontré Rizzi à plus d'une reprise dans l'hiver 1938-1939. Voici quelques précisions à ce sujet. Rizzi n'appartenait à aucune ·organisation affiliée à la /Ve Internationale, et n'a jamais vécu en France, où il n'était · donc pas «réfugié». Il était établi commerçant BibliotecaGinoBianco • LE CONTRAT SOCIAL à Gênes, en Italie (mussolinienne). Cette profession lui permettait quelques voyages à l'étranger, notamment dans le Midi de la France. Ancien membre du parti communiste italien après Livourne, il y avait soutenu la tendance de Bordiga, et des « bordiguistes » réfugiés en France se souvenaient par/ aitement de lui à l'époque où il vint à Paris. Il avait abandonné toute appartenance politique, vivait librement en Italie et s'était mis à « réfléchir », ce qui n'est pa$ si mal. Il restait préoccupé de l'évolution du marxisme, avait suivi, de loin, avec sympathie, l'action de l'opposition de gauche et de Trotski, et tâchait de se faire une idée personnelle de l' évo(ution du capitalisme sous les régimes fasciste et stalinien, dans une perspective qui est aujourd'hui celle de Bordiga, si je comprends bien les derniers écrits de celui-ci. Au cours de ses voyages en France, il se procurait telle ou telle de nos publications. C'est à la fin de 1938, comme il le dit lui-même, qu'il trouva dans Quatrième Internationale, dont j'assurais alors la direction, un article de Craipeau soutenant que la bureaucratie était devenue en ~ URSS une classe exploiteuse dominante, etc., point de vue qu'il adoptait lui-même. Il vint alors à Paris et voulut participer à la discussion soulevée par ce problème. Je n'acceptais pas le point de vue de Craipeau, et celui de Rizzi moins encore, car il s'y ajoutait un ensemble confus de théories venant d'un « bordiguisme » aberrant, d'une variété de corporatisme à la Bottai, de vues « technocratiques», comme l'on disait déjà, et même pis : d'un antisémitisme « antiploutocratique » un peu inquiétant, qui faisait. de ses idées quelque chose d'assez inconsistant, bien que tout à fait sincère et d'un ton passionné qui n'était pas déplaisant. A défaut d'une collaboration à nos publications, je lui demandai d'exposer son opinion dans une brochure. . Au début de 1939, je reçus de lui, envoyé d'Italie, un gros manuscrit, dont il me demandait de réviser le style, bourré d'italianismes. Il m'écrivit plusieurs cartes postales à ce sujet ( toujours de Gênes). C'était la Bureaucratisation du monde, avec un long chapitre sur le fascisme italien qui ne se retrouve pas dans le livre imprimé. A cette époque, je n'avais pas de temps à consacrer à ce . travail, rédigé en polémique directe avec les idées que je défendais, et dont la conclusion est finalement que le régime dominé par la nouvelle classe bureaucratique en . URSS, en Italie (mussolinienne) et en Allemagne (hitlérienne) était «progressif». A lire son livre imprimé, Rizzi ne m'avait pas pardonné ce refus. 4. En définitive, Rizzi se fit éditer à compte d'auteur, par un autre intermédiaire que moi, aux Presses modernes, 96, gale.rie Beaujolais, Paris (1er), et le livre fut distribué par les Messageries Hachette en automne 1939. J'ai acheté un exemplaire chez Berger-Levrault en décembre 1939, étant sous l'uniforme. Le pacte Hitler-Staline, que Rizzi dut interpréter comme le triomphe de sa thèse, me parut pourtant avoir un tout autre sens. Le livre fut envoyé à Trotski, au Mexique, qui y répondit aussitôt dans une brochure dirigée contre Burnham, lequel n'était pas encore l'auteur de Managerial Revolution. 5. J'ai lu Managerial Revolution en 1945 et j'ai aussitôt reconnu l'essentiel des idées de Rizzi, moins l' originalitré et la verdeur de la pensée. C'est pourquoi j'écrivais en 1947 que Burnham avait purement et simplement copié Rizzi. Je dis copié car il ne s'agit pas d'une rencontre d'idées. Burnham connaissait « Bruno R. » (sinon Rizzi) dès sa polémique avec Trotski, et après sa rupture avec le marxisme il s'appropria simplement la thèse de Rizzi pour en faire un ·best-seller américain, sans mentionner son obscur prédécesseur. 6. Il me reste à dire que toutes le$ idées répandues depuis quinze ans sur la « classe bureaucratique », sur le

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