LE « DRANG NACH SÜDEN » SOVIÉTIQUE par David J. Dallin N CONSIDÈRE souvent que les tentatives actuelles de l'Union soviétique pour s'implanter au Moyen-Orient, tant sur le plan politique que sur le plan économique, caractérisent l'équipe post-sta1inienne et reflètent un esprit d'audace et de souplesse à la fois qui contraste de façon marquée avec la politique étrangère du dictateur disparu, toute d'obstination et de circonspection. En réalité, l'action actuelle des Soviets dans cette zone n'est que la troisième phase d'un Drang nach Süden bien caractérisé, qui dure depuis près de vingt ans. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler brièvement le déroulement des faits. La· première poussée soviétique vers le sud remonte à une vingtaine d'années, à l'époque de la brève association entre la dictature nazie et la dictature communiste, cimentée par la signature du pacte de non-agression RibbentropMolotov du 23 août 1939. Confiant dans_ sa victoire finale sur la Grande-Bretagne, Hitler suggéra la formation d'un pacte à quatre (Allemagne, Italie, Japon et URSS) pour partager les dépouilles de l'empire britannique. Une conférence à laquelle participèrent Molotov, Ribbentrop et Hitler fut tenue à Berlin en novembre 1940 afin d'étudier les détails de cette nouvelle collaboration. En vue de compléter le traité destiné à être rendu public, les dirigeants pro~sèrent de conclure un accord secret sur la délimitation de leurs futures zones respectives d'intérêts ( celles des quatre puissances). En ce qui concerne l'URSS, son domaine devait s'étendre « en direction du golfe Persique et de la mer d'Oman ». En outre, la convention de Montreux, qui règle la navigation dans les Détroits turcs, devait être révisée dans un sens favorable à l'Union soviétique. A la fin des négociations, Ribbentrop précisa que la région allant du « sud de l'Union soviétique en direction de l'océan Biblioteca Gino Bianco Indien » serait zone d'influence soviétique. . , . Molotov affirma que son gouvernement etait prêt, en principe, à accepter les propositions allemandes, et partit pour Moscou afin de les soumettre à StaJine.1 A Moscou, les propositions allemandes furent e~aminées et amendées. Les documents montrent clairement que Staline trouva ces propositions à la fois trop vagues et insuffisantes. En conséquence, il chargea Molotov de présenter à 1:~- bassadeur d'Allemagne une contre-propos1t1on (sous forme de protocole secret) indiquant que la zone soviétique engloberait les régions « au sud de Batoum et de Bakou dans la direction générale du golfe Persique », - en d'autres termes, l'Irak, une partie de la Turquie, la Syrie et peut-être aussi le Liban? la J?r~~e. et !'Arab~e Séoudite. Ce protocole, s'il avait ete signe, aurait ouvert à l'URSS les voies de pénétration et d'expansion dans le monde arabe et persan. La décision que prit Hitler d'attaquer l'URSS · mit fin à cette première phase des visées soviétiques au Moyen-Orient. La deuxième phase s'engagea en 1945. Enivrée de sa victoire, affrontant de nouveaux alliés, Moscou présenta un vaste programme d'expansion vers le sud qui devait, en pratique, aboutir aux mêmes résultats que les projets envisagés cinq ans auparavant au cours des négociations Molotov-Ribbentrop. La forme, évidemment, avait été remaniée : il ne 1. Les textes citls ci-dessus ou plus loin et concernant cette plriode sont extraits des documents allemands tomb~s aux mains des Alli~s après la deuxi~e guerre mondiale et publi~s sous le titre : Nazi-Soviet R,latiom, 1939-1941 (présentés par Raymond James Sontag et James Stuart Beddie, Department of State, Washington, 1948), pp. 221259. 11 en existe une ~dition française, malheureusement incomplète : La V'"'' sur l,s rapports germano-sovi,tiqu,, d, 19J9 à 1941, Paris, 8d. France-Empire, 1948. •
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