Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

ACTUALITÉ DE M. DE GUIBERT par Yves Lévy ,.. Où les hommes médiocres subissent, même avec une sorte de satisfaction intérieure la loi des circonstances et de la , , nécessité, parce qu'elle sert de pretext~ ~t de voile à leur foiblesse, l'homme de gerue se roidit, s'élève, et se dit qu'il faut combattre la fortune, et faire naître un ordre de choses plus favorable. GUIBERT : Éloge du Roi de Prusse. A POSTÉRITÉ n'a pas oublié les amours assez brèves et assez incertaines, de M. de Guibert ' . avec Mlle de Lespinass~. ~~e se S?~v1~nt L.-.la aussi qu'il fut un theor1c1en m1l1t~e. On dit, on répète qu'il prôna !es ar~ees nationales et on le mentionne a. ce ti~~e comme un précurseur· des conceptions mtlitaires de la Révolution française. Cela n'est pas absolument faux, mais c'est - pour répandue qu'elle soit'- une bien mauvaise faço~ de comprendre les écrivains que de les_ expliqu~r, P,ar ce qui les suit plutôt que par ce qw les a precedes. En fait, les idées d~ M. de Guibe~t et ~es con:eptions révolutionnaires font parti~ ,d un meme COurant mais elles sont assez differentes. Il y , . 1 a quelques années, un essayiste mo!lt~a q~e Gwbert avait, sur le, plan .même de~ 1dees P?litiques, devancé la Revolution. _La.demonstrati_on était convaincante, mais aboutissait sur certains points à des conclusions contestables, et à certains égards complètement. erroné~~- _C'est _que l'auteur ignorant les questions militaires, aJoutait à ~Ile qu'on vient de signaler une nouvelle source de confusion. Chez Guibert - que son père initia dès l'enfance aux problèmes de tactique, puis entraîna, adolescent, sur les champs de bataille de la guerre de _Sept 8!1~:-- che~ Guibert, ce sont les conceptions m1l1taires qw 1. Roser Caillois : Un offici,r progr,1n1t, 10w Loui, XVI (dao• • Prcuvea •• n° 43, sept. 1954). • Biblioteca Gino Bianco sont fondamentales, et c'est à faut se référer pour comprendre tiques. * ,,_ ,,_ celles-ci qu'il ses idées poliIL NE SAURAIT être question de procéder ici à une analyse étendue des théories !=1e Guibert. On veut seulement mettre en relief les curieuses analogies qu'elles offrent avec celles de ce commandantde Gaulle qui, il y a un quart de siècle, écrivait Vers l'armée de métier. Il s'agit évidemment ici des théories militaires. Le commandant de Gaulle, en 1934, analysait la pratique militaire exactement comme faisait le colonel de Guibert en 1772, et il en tirait des conclusions semblables. Mais l'analogie se poursuit et l'on constate que Guibert condamne la pratique politique de soil ten:ips d~s des termes. 9ui n'?~t pour nous rien d'1nhab1tuel. En manere m1l1taire, on jurerait qu'il parle de l'immense front qui allait il y a qu~rante ans ~e la mer ~u Nord à la Suisse, ou bien de la ligne Maginot. En politique, on croirait qu'il juge les ministères de la IIIe ou de la IVe République. Et si l'on ne peut mettre en parallèle avec précision les solutions politiques préconisées par Guibert et par le général de Gaulle, du moins nou~ semble-t-il qu'il y a, chez l'un et l'autre, une arutude parente devant les problèmes politiques. Le commandant de Gaulle avait, comme officier subalterne, participé à la première guerre mondiale, où deux immenses armées s'étaient affrontées et, dans de longues lignes fortifiées, avaient au long des années éprouvé des pertes énormes pour de maigres résultats. La stabilisation des fronts a faussé la guerre récente du point de vue de l'art et, par suite, dans le rapport des pertes et des r,sultats 1 , écrivait-il en 1934 dans un livre où il exposait 2. V1r1 l'arm,, d, m,ri,r, Paris, 1934, pp. 110-111. •

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