Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

M. RICHARD les accords multilatéraux en ne posant aucun problème institutionnel et en respectant intégralement les souverainetés nationales. L'accord s'était finalement établi à mi-chemin entre la thèse unioniste, majoritaire, et la thèse fédéraliste, minoritaire mais forte, puisque le Congrès réclama une Assemblée européenne, la résolution politique évoquant même un « transfert » partiel des souverainetés nationales. Le même débat s'est poursuivi jusqu'à nos jours entre les tenants de la simple coopération et ceux de ce qu'on a nommé plus tard l'intégration : comme tout se tient, on aperçoit déjà en filigrane la « Grande » Europe (coopération) et la «Petite» (intégration), les Britanniques étant dans celle-là et non dans celle-ci. Ils avaient tendance à La Haye, et s'y tiendront ferme pendant deux ans, à opposer à la « révolution fédéraliste » prônée par certains continentaux une méthode dite « par approche », baptisée/ onctionnalisme. Le jour où on les prit au mot, ils se dérobèrent. A la suite du Congrès de mai 1948, le Comité de coordination 5 qui l'avait organisé devenait le Mouvement Européen (présidents d'honneur : Churchill, De Gasperi, Blum, Spaak, à qui s'ajouteront ultérieurement Robert Schuman et Coudenhove-Kalergi). Du message aux Européens et des trois résolutions (politique, économique _ et culturelle) sortait un mémorandum adressé aux cinq États signataires du traité de Bruxelles 6 , lesquelss'en saisirent officiellement. Un Comité d'études pour l'Union européenne fut créé sous la présidence d'Édouard Herriot. Au bout de quelques mois, il en naissait un projet de traité, bientôt signé et ratifié par dix gouvernements (dont naturellement les cinq « invitants »). Né en mai 1949 (un an après La Haye), le Conseil de l'Europe se réunit pour la première fois en août de la même année à Strasbourg. A peu près du même âge, l'Allemagne fédérale y était très vite invitée, ainsi que l'Italie ; aujourd'hui, q11inze gouvernements font partie de l'organisme de Strasbourg 7 • Le Conseil de l'Europe se compose de trois organes : le Comité des ministres, l'Assemblée . consultative, le Secrétariat général. Les Britanniques y siégeant, les attributions du Conseil de l'Europe sont en grande partie théoriques. s. On y trouvait, avec le United Europe Committee et le Conseil français pour l'Europe unie, déjà mentionné, des associations internationales comme l'Union Européenne des Fédéralistes, la Ligue Européenne de Coopération Économique, l'Union parlementaire européenne, le Mouvement pour les États-Unis d'Europe, les Nouvelles Équipes internationales. 6. Traité signé en 1946 contre l'Allemagne par la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Mais à partir du traité de Bruxelles, l'Allemagne va entrer dans la communauté occidentale. Signe des temps. 7. Autriche - Belgique - Danemark - Eire - France - Grèce - Islande - Italie - Luxembourg - Norvège - Pays-Bas - République fédérale d'Allemagne - Royaume-Uni - Suède - Turquie. Biblioteca Gino Bianco 331 Comme son nom l'indique, l'Assemblée (émanation des parlements nationaux) n'est que consultative ; le Comité des ministres n'a qu'un pouvoir de recommandation aux gouvernements. Rien de supra-national : Strasbourg est un lieu de confrontation, un « forum » européen où se retrouvent, à l'exception de la Suisse, du Portugal et de l'Espagne, tous les pays de l'Europe occidentale. On ne peut y faire grand-chose (cependant un certain nombre de conventions y ont vu le jour : suppression des visas, puis des passeports, convention européenne des droits de l'homme, conventions sur des équivalences de diplômes ; en outre les commissions spécialisées y travaillent efficacement) ; mais c'est un organisme « paneuropéen», le seul, et le premier. Il a ouvert la voie ; quelles que soient ses insuffisances, sa création marque une grande date pour l'Europe. Quant à l'Organisation Européenne de Coopération Économique (O.E.C.E.), qui accomplit, au plan de la simple coordination inter-gouvernementale, un excellent travail 8 , elle compte dix-sept membres : tous les pays du Conseil de l'Europe, plus la Suisse et le Portugal. Le plan Schuman L'UNIONsans moyens effectifs réalisée à Strasbourg ne conduisait pas à la Fédération. Il fallait aller plus outre : l'entrée de l'Allemagne dans le circuit européendevait en fournir l'occasion. A La Haye n'assistaient que des observateurs allemands, puisqu'il n'existait pas encore d'État allemand. Certains déplorèrent qu'on n'ait pas fait le saut fédéraliste plus vite, ce qui aurait permis de passer sans transition de l'Allemagne chaotique à l'Allemagne intégrée. C'était sans doute vouloir aller trop vite. La loi fondamentale du Petersberg donna d'abord naissance à cette Allemagne fédérale que le chancelier Adenauer gouverne depuis plus de neuf ans. Ici et là, en dépit d'une étonnante et réelle « reconversion » des esprits <l'outre-Rhin, le retour de l'Allemagne à la souveraineté inquiétait. Pouvait-il y avoir meilleur moment pour lancer une« bombe» retentissante ? Et ce fut la Déclaration historique du 9 mai 1950, par laquelle Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères, lança l'idée de la mise en commun, d'abord par la France et l'Allemagne, des ressources de charbon et d'acier. Idée extraordinaire (dont la conception revient à Jean Monnet), mais extraordinairement féconde. Avec elle naissait le « noyau dur », grâce à une nouvelle méthode : l'intégration fonctionnelle. La Déclaration du 9 mai comprend deux parties : la seconde est relative aux modalités des négociations envisagées ; elle ne présente plus 8. En matière de libération des échanges, de règlement des paiements intra-européens et de préparation d s mesures ~conomiques communes notamment. Elle compr nd deux annexes : l'Union Européenne des Pai m nts (U.E.P.) et !'Agence Européenne de Productivit~ (A.E.P.)

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