M. RICHARD dao~ nos partis, dans nos églises, dans nos milieux professionnels et syndicaux, les hommes et les gouvernements qui travaillent à cette œuvre de salut public, suprême chance de la paix et gage d'un grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivront. On voit qu'il s'agit d'abord d'affirmer, sinon de démontrer, la nécessité et l'urgence de l'Europe unie. La Haye, en 1948, c'était l'éveil de l'esprit européen ; c'était ensuite la revendication de quelques organes essentiels en qui s'incarnerait l'Europe naissante. L'assemblée européenne réclamée existe - et même elle est double : il y a l'assemblée commune des Six et l'assemblée consultative des Quinze . 3 Une Cour de Justice fonctionne pour les trois communautés des Six : elle tranche les litiges entre les Communautés, d'une part, les États, les entreprises ou les individus d'autre part. Quant à la charte des Droits de l'Homme, il existe aujourd'hui une Convention européenne qui énumère et garantit les libertés fondamentales (et que, pour des motifs tenant à l'absurde conflit sur la laïcité scolaire, la France est la seule nation à ne pas avoir ratifiée). Dix ans et un mois plus tard, le 22 juin 1958, quelques centaines de personnalités et de militants européens se réunissaient à Strasbourg sous la double présidence de Robert Schuman et de Fernand Dehousse, qui président d'autre part les deux assemblées européennes précitées. Il ne s'agissait pas d'un congrès, mais d'une réunion destinée à rendre publique une courte Déclarationmotivéepar les inquiétudesqu'avaient fait naître en Europe certains événements français. On a appelé ce document le « nouveau Serment de Strasbourg». En voici le texte : NOUS, EUROPÉENS, réunis à Strasbourg le 22 juin 1958, en un moment particulièrement grave pour notre destin commun, Conscients de nos responsabilités envers nos pays comme envers l'Europe, Convaincus que la solidarité des peuples libres reste plus que jamais leur meilleure sauvegarde devant les dangers extérieurs et intérieurs qui menacent leurs libertés fondamentales, et qu'aucune nation européenne oe peut plus, quelle que soit la nature de ses problèmes, prétendre les résoudre seule, NOUS ENGAGEONS à poursuivre la construction de l'Europe unie par l'application intégrale des traités de la C.E.C.A., du Marché commun et de !'Euratom, et par la création d'une Autorité politique européenne. Le changement de ton est sensible, ainsi que celui de la nature des préoccupations : il faut poursuivre, appliquer des traités et enfin parvenir à une autorité politique commune. Il n'est plus besoin de longs développements. Quelques lignes suffisent à énoncer la volonté de tous. On mesure le chemin parcouru : du mythe, on est passé à la technique. 3. Mais ces deux assemblées ne représentent pas les « forces vives •· Elles émanent des parlements nationaux et ne comprennent que des parlementaires. A noter qu'il existe, pour l'Europe des Six, des Comités consultatifs, lesquels repr~- 1entent le, travailleur, et les employeurs int~essé1. Biblioteca Gino Bianco 329 Les couleurs du mythe En 1948, l'idée d'Europe unie avait l'éclat et le vague des idées naissantes. Dans l' enthousiasme, les congressistes de La Haye sentaient confusément à la fois qu'ils participaient à un événement historique et qu'ils sous-estimaient les difficultés ou les ambiguïtés de leur « grand dessein ». Pourtant, les traits essentiels qui vont marquer la construction européenne se distinguaient alors déjà. On y mettait définitivement fin à une équivoque (en même temps qu'à un espoir) ; on y posait sans s'en rendre parfaitement compte les trois problèmes capitaux de l'Europe. L'équivoque, c'était l'idée, séduisante autant qu'ingénieuse, d'une Europe « Troisième Force». Depuis la fin de la guerre, il était couramment admis que deux puissances allaient s'affronter : ne fallait-il pas tenter de transformer ce tête-àtête en un ·colloque à trois, non seulement pour qu'il ne devînt pas un face-à-face, mais encore pour préparer un terrain d'entente par le truchement d'une économie qui ne serait plus libérale et capitaliste tout en n'étant nullement totalitaire ? Ces rêves étaient partagés par beaucoup, qui n'étaient pas des rêveurs. Ils n'en étaient pas moins des rêves. Que l'Europe n'ait pu vivre que grâce à l'aide américaine, qu'elle n'ait pu survivre que parce que la protection atomique du Pentagone tint Staline en respect devant le limes, personne ne peut le nier. Au début de 1948, en dépit du diktat du Kremlin aux Tchèques, tout récent, en dépit de la mainmise sur les trois États baltes, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Zone d'occupation soviétique en Allemagne, mainmise déjà acceptée par l'Occident, des optimistes impénitents pouvaient encore s'abandonner à leurs illusions. Après le coup de Prague, il ne pouvait plus être question d'une neutralité européenne, même méfiante à l'égard de l'Est et amicale envers l'Ouest. Il ne pouvait plus être question de choisir. Moscou avait choisi pour tous. Quant aux problèmes permanents de l'Europe, un témoin lucide en voyait naître les énoncés à La Haye. Ils s'imposeront tout au long des dix années qui vont suivre. Ce sont : la position de la Grande-Bretagne, la querelle des libéraux et des· organisateurs, le débat sur les institutions politiques. A La Haye, il y avait plusieurs centaines de délégués, dont un nombre impressionnant de parlementaires, anciens chefs de gouvernement, ministres en exercice ou non. Mais un hom1ne les dominait de son prestige : Churchill, qui présidait cette étonnante manifestation. En outre, la délégation britannique, très nombreuse, était groupée et disciplinée (conservateurs et travaillistes unanimes au service de Sa Majesté). De cette présidence et de cette présence allait naître une grave équivoque, sans doute nullem..,nt fortuite : à savoir ~ue la Grande-Bretagne s'affirmait européenne. D ailleurs, n'était-ce pas Clement •
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