Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

DIX ANS DE CONSTRUCTION EUROPÉENNE par Max Richard L J!S PERSPECf IVES ouvertes sur l' « Europe 11oie » ne sont pas toutes droites et le « spécialiste » même ne s'y reconnaît pas très bien. Il y a les Quinze à Strasbourg, à ne pas confondre avec les Dix-Sept du château de la Muette (O.E.C.E.); mais on trouve aussi - et surtout - les Six de la C.E.C.A., du Marché commun et de !'Euratom 1 ; à côté, toutefois, voici l'U.E.O. 2 où les participants sont Sept. ·Entre les institutions et les sigles, on se perd. Dans les mouvements privés qui militent en faveur de l'Europe, nous trouvons plus de diversité encore : Mouvement Européen, Action Européenne Fédéraliste, Union Européenne des Fédéralistes, Mouvement Démocratique et Socialiste pour les États-Unis d'Europe, Nouvelles Équipes Internationales, Union Parlementaire Européenne, Ligue Européenne de Coopération Économique, Conseil des Communes d'Europe, nous en oublions certainement. Là aussi le spécialiste s'égare parfois et ne discerne plus les différences, les connexions, les hiérarchies nationales ou internationales. D'un tel phénomène, seuls des esprits superficiels se scandaliseront. « Faire l'Europe, n'est pas aussi simple que de fédérer 13 États américains en rébellion contre Londres (simple ..• et pourtant que de complexité, en dépit d'une origine, d'une histoire, d'une langue et de mœurs comm1mes) ; c'est beaucoup plus difficile encore que d'assembler en un État quelques cantons montagnards et quelques cantons urbains· de cette Suisse qui a 1. O.E.C.E. : Organisation Européenne de Coopération Économique - C.E.C.A. : Communauté Européenne du Char.eon et de l'Acier ( u Plan Schuman ».)- Marché Cemmun : de son vrai nom Communauté Économique Européenne (C.E.E.) - Euratom : de son vrai nom Communauté Atomique Européenne (C.A.E.). 2. Union de l'Europe Occidentale : les •Six• plus la Grande-Bretagne. Biblioteca Gino Bianco mis pourtant près de six siècles avant de se trouver (1291, serment du Grütli; 1848, constitution de la Confédération helvétique). 11 s'agit désormais de faire vivre ensemble, avec des institutions communes, des peuples qui comptent parmi les plus importants de l'histoire, de ceux qui ont été tour à tour et parfois simultanément à la tête de la civilisation - peuples qui se sont âprement et longuement combattus, qui naguère encore, il y a seulement treize ans, se meurtrissaient dans le sang et les larmes. Guerres fratricides, disait déjà Lyautey en 1914; mais guerres dont seuls quelques « voyants de haut» - pour reprendre l'expression du maréchal - sentaient combien elles étaient périmées et absurdes. Bien loin de s'indigner de ces 6, ces 7, ces 15, ces 17, de ces ébauches et de ces atermoiements, il faut s'étonner que l'entreprise européenne soit allée si vite, que des étapes capitales aient été franchies - sur lesquelles on ne reviendra plus. Déjà, d'ailleurs, cette complexité se simplifie. Les trois Communautés à Six s'intègrent, mettent en commun certains de leurs organes, précisent leurs rapports avec les autres pays d'Europe. Bien du temps passera avant que ne se substitue aux constructions partielles le vaste édifice ordonné d'une Fédération européenne «intégrale». Le temps n'épargne pas ce qu'on fait sans lui, surtout lorsqu'il s'agit d'associer des populations, des mœurs, des patries - qui sont le résultat d'une patiente élaboration de ce « travail de soi sur soi» sans quoi les projets les mieux conçus restent à l'état de velléité. L'Europe, c'est la diversité. Nous la plaindrions si der, faiseurs de plans « européistes » avaient réussi à lui passer un corset constitutionnel. Vaine crainte au demeurant : elle est par nature réfractaire à une telle violence. Certes, « l'histoire s'accélère»; mais si, pour suivre son train vertigineux, nous versions dans le fossé ? , Soulignons

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