Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

316 toung. Considérant le fond du tableau largement brossé par Pierre_ Brune, on comprend mieux pourquoi à la croissance des « cent fleurs » s'est rapidement substituée l'agitation des mille étrivières et d'où vient que le « titisme chinois » prophétisé par les frères ignorantins soit maintenant la principale citadelle d'un superstalinisme. LE CONTRAT SOCIAL Nous conseillons vivement à ceux qu'intéresse la question de se reporter au texte que ses dimensions et sa complexité ne nous ont pas permis de résumer au sens propre du mot. A. P. Correspondance Le 9 thermidor Nous AVONS REÇU de M. Jean-José Marchand la lettre suivante : Puis-je vous présenter quelques réflexions à propos de l'article d'Emmanuel Berl sur le 9 thermidor ? Il y a une explication maintenant classique des ré'lJolutions par l'action des forces sociales, commune à Thiers, à Guizot, à Marx .•. Il y a aussi, on y revient avec juste raison, une explication des événe1nents eux-mêmes par l'action des hommes et leur psychologie. Jusqu'en 1930 on insistait trop sur les grands hommes. Depuis on insiste trop sur les groupes, les classes, l'économie. Dans son effort pour comprendre le 9 thermidor, il me semble qu'Emmanuel Berl obscurcit le problème à force d'intelligence ! Au 9 thermidor, la révolution « sociale », celle des commerçants qui veulent supprimer les barrières intérieures, des propriétaires fonciers qui 'lJeulent se libérer de la tutelle des ecclésiastiques et des« aristocrates », est terminée. Tout le monde est d'accord sur ce point. Les for ces politiques ont donc acquis une autonomie réelle. Il n'y a pas plus de groupes sociaux derrière Robespierre,Carnot ou Vadier qu'il n'y en a derrière Khrouchtchev ou Malenkov dans la société soviétique « atomisée » par la terreur. Aussi ne peut-on penser légitimement qu'il y a eu lutte de clans pour le contrôle du pouvoir ? Les faits parlent d'eux-mêmes. Qu'est-ce que le Comité de Sûreté Générale ? Ce que nous appellerions aujourd'hui « la police ». Robespierre veut créer son Bureau de police (le « bureau central »). C'est à partir de ce moment que la Révolution est frappée à mort. Les deux Polices entrent en concurrence, chacune essayant de faire relâcher lès « suspects » que l'autre a réussi à arrêter. C'est cela que savaient tous les conventionnels de la Plaine, cela qui leur a donné le courage d'applaudir Cambon, et non le redondant discours de celui-ci. Sans sacrifier à la conception policière de l'Histoire, il est permis de remarquer que Vadier avait bâti tout un « réseau », que c'est lui qui a donné les moyens de savoir la vérité sur Danton grâce aux rapports de ses agents, qu'il avait placé des agents doubles (Taschereau de Farges) jusque dans l'entourage de Robespierre. Sa force est celle du policier qui a « le dossier ». C'est finalement Vadier qui a abattu Robespierre. Il s'agissait si peu de «for ces sociales » en présence que la Plaine lui retira ensuite la Police des mains, le contraignant à s'enfuir. Il y a eu lutte entre les loups, a'lJecles moyens policiers traditionnels, dans un moment où la Terreur interdisait aux for ces sociales de 1' exprimer avec la franchise qus Biblioteca Gino Bianco donne une longue habitude de la tolérance. On en était au stade où chacun défendait sa vie, les idéologies sont des prétextes plutôt que des moteurs de l'action. Tel est du moins mon point de vue. Je ne pense pas qu'il contredise celui de Berl. Il choisit simplement (mais peut-être est-ce une erreur ?) une cause déterminant, parmi toutes celles que Berl a mentionnées. J. J. MARCHAND Nous avons communiqué cette lettre à F.roroanuel Berl, qui nous a fait parvenir la réponse suivante : Je suis dans une large mesure d'accord avec M. Marchand. Je crois que le 9 thermidor est avant tout le dénouement d'une lutte pour le pouvoir. Et même, je me suis intéressé à cette « journée » d'autant plus qu'elle nous enseigne davantage à nous méfier des rationalisations excessives que les historiens apportent, après coup, aux événements politiques. Toutefois, je ne pense pas que « ce soit Vadier qui ait abattu Robespierre ». D'abord parce que Robespierre s'est en quelque sorte abattu lui-même. Il n'a pas éti victime d'une conspiration mais auteur d'une opération politique qui n'a pas réussi. Vadier a'lJait bien monté des machinations contre lui : l'affaire Sainte-Amaranthe, l'affaire Catherine Théot - il n'en avait pas été le bon marchand. Pour moi, le grand adversaire que Robespierre tente d'abattre, et qu'il ne parvient pas à entamer, c'est Carnot. Et c'est d'ailleurs Cambon - autre « grand spécialiste », porte-parole des acquéreurs de biens ecclésiastiques, qui a partie liée avec Carnot, dont l'intervention retourne l'Assemblée : elle avait voté l'affichage du discours et revient sur son vote après le discours de Cambon. Le conflit des robespierristes et des antirobespierristes · a quand. même un sens politique : Carnot veut envahir la Hollande ( Cambon aussi, parce qu'il espère la piller), Saint-Just ne le veut pas, parce qu'il veut d'abord la guerre à l'Autriche. Robespierre le veut moins encore, parce qu'il désire la paix, comme il l'a toujours désirée durant toute sa vie politique. Si important qu'ait été le conflit des polices, le conflit le plus grave - plus grave même, à mon estime, que celui des « déchristianisateurs » et des déistes - c'est celui du parti de la guerre et des hommes qui, ouvertement ou secrètement, veulent la paix. Robespierre la voulait ouvertement : il' a osé dire à Carnot : « Je vous attends à la première défaite. >> Il soupçonnait Carnot d'avoir des rapports avec des agents autrichiens (ce qui était probablement vrai) et Carnot le soupçonnait lui-même d'avoir des rapports avec des agents anglais - ce qui semble établi. La guerre inexpiable contre l'Angleterre paraissait nécessaire, à Carnot, aux industriels et fournisseurs de guerre auxquels il était nécessairement lié. Non pas à Robespierre ni à Saint- Just qui voulaient uns France agricole, villageoise, rousseauiste st vertueuse.

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