230 gnées depuis toujours par la législation « démocratique populaire ». La détermination des salaires par voie de conventions collectives ne fut point envisagée. Les nouveaux chefs revinrent donc sur les concessions arrachées par les ouvriers aux équipes dirigeantes anciennes. La promesse de rétablir le régime des conventions nationales ne fut pas formellement reniée, il est vrai. Mais, en fait, on n'accepta de fixer de cette manière que des aspects secondaires des conditions de travail et des relations industrielles, la solution des questions fondamentales demeurant réservée à des procédés autoritaires. 40 C'est au sujet de la représentation du personnel à l'usine que furent adoptées les décisions les plus importantes. Malgré la campagne pour l' « autogestion », le Conseil central des syndicats ne put esquiver, tant les salariés insistèrent sur ce point, la question de la défense des intérêts ouvriers dans le nouveau régime de la fabrique. Et, bon gré mal gré, il dut consentir à des concessions appréciables. Voici ce que déclara le rapport de Jozef Kulesza : Les organes d'autogestion, dont le but principal consiste à assurer la rentabilité de l'entreprise, seront obligés de concilier des tendances contradictoires. On verra surgir des conflits entre les intérêts de l'entreprise et ceux des différents groupes de travailleurs. Le rapporteur conclut à la nécessité de maintenir une représentation syndicale indépendante sous forme de conseils d'entreprise et de lui conférer le droit de prendre part aux décisions des conseils ouvriers relatives à la répartition des bénéfices, à l'embauche, etc. « En cas de désaccord, précisa-t-il, il faut que le conseil d'entreprise puisse en appeler aux travailleurs. » En partant d'une telle conception, il ne reste plus qu'un pas à franchir pour rompre avec le 40. La convention collective des travailleurs des métaux, mise au point en janvier 1957, se limite aux questions suivantes : conditions dans lesquelles peuvent être révisés les temps accordés aux travaux payés au rendement ; taux de rémunération pour les temps perdus en raison des arrêts de travail ; salaire appartenant à l'ouvrier affecté à un travail inférieur à sa qualification ; limites des heures supplémentaires; rémunération pour le travail du dimanche ; exceptions à la durée du travail réglementaire ; protection et avantages spéciaux pour des salariés employés dans la même entreprise depuis au moins vingt-cinq ans ; calcul des pen - sions des vieux travailleurs ; droit aux congés payés en cas de changement d'emploi ; droit au traitement dans un sanatorium ; réglementation des congés payés ; réparation des accidents de travail ; obligations de l'entreprise envers la famille de l'ouvrier ayant subi un accident de travail mortel; démarches que doit faire la direction de l'usine en faveur du salarié demandant une pension de vieux travailleur ; indemnité versée aux ouvriers pour le blanchissage des vêtements de travail ; réparation due au travailleur en cas de vol des vêtements de travail ou d'un engin de locomotion, déposés aux endroits réservés à cet effet par la direction (ibid., 28 janvier 1957). Le même esprit se manifeste dans les projets de conventions nationales préparés respectivement par le Comité fédéral des travailleurs du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux (ibid., 30 janvier 1957), par celui des travailleurs de l'énergétique (ibid., 5 février 1957), ainsi que par celui des travailleurs de l'industrie sucrière (ibid., 9-10 f~vrier 1957). Bib·lioteca Gino Bianco L'EXP2RIENCE COMMUNISTE syndicalisme d'État. Or, ce pas ne fut pas franchi par les nouveaux dirigeants des syndicats polonais. Ils n'envisagèrent ni le recours à la grève, ni l' établissement d'une procédure de négociations collectives entre représentants syndicaux et organismes gestionnaires. Bien plus, le rapport de Kulesza précisa, répétons-le, que les délégués syndicaux doivent « concilier les intérêts nationaux et ceux de la société ·avec les intérêts des groupes de travailleurs qu'il représentent », de même que la motion adoptée par la neuvième session proclama que le conseil d'entreprise, « tout en défendant les intérêts du personnel et de chaque travailleur pris individuellement, concilie les intérêts de l'entreprise avec ceux de l'État ». Et, chose plus grave encore, l'élection démocratique des conseils d'entreprise ne fut pas rétablie. On maintint le système de la liste unique, système qui transforme les élections en une véritable farce. Se heurtant à ce refus de scrutin démocratique, les salariés, dans bien des usines, gardèrent envers les conseils d'entreprise une attitude méfiante. 41 Échec des conseils ouvriers ÉTANT DONNÉ le caractère équivoque des réformes apportées aux syndicats, l' « autogestion » devint la principale innovation du régime Gomulka sur le plan ouvrier. Or, même si l'on faisait abstraction de la manœuvre de diversion ayant marqué la naissance de cette institution, force serait de constater que les conseils ouvriers ne pouvaient pas donner les résultats qu'avait promis la propagande menée en faveur de leur création. D'abord, le centralisme, qui réserve aux échelons supérieurs de l'administration économique toute décision d'importance, fut dans l'essentiel maintenu; les conseils ouvriers ne purent donc influer, au fond, que sur les modalités de l'accomplissement des tâches assignées aux entreprises. Ensuite, dans la loi sur les conseils ouvriers, 42 les rapports entre ceux-ci et les cadres dirigeants .des usines furent définis de manière 41. Lorsqu'on procéda dans les forges Szczecin [Stettin] à l'élection du conseil d'entreprise, la participation fut si faible qu'il fallut remettre le vote au lendemain. C'est alors seulement que le « nouveau » conseil, ayant à sa tête les mêmes hommes que le précédent, réussit à recueillir le nombre nécessaire de voix. Les ouvriers réagirent en cessant de payer les cotisations au syndicat. Ils n'avaient pas envie, disaient-ils, de « jeter leur argent dans un puits » ; une autre formule fut également répandue : « Voulez-vous qu'on contribue de nouveau à ce que quelqu'un se fasse construire des villas ? » Pour vaincre cé boycottage, le conseil d'entreprise demanda à la direction d'entreprise de retenir les cotisations sur la paye de chaque syndiqué. 11 importe de préciser qu'en refusant au syndicat leurs cotisations, les travailleurs ne furent pas guidés par la simple indifférence. Bien au contraire, les questions syndicales ne cessèrent d'animer de nombreux débats dans les ateliers (cf. ibid., 14 février 1957). Les travailleurs de l'usine Baildon réclamaient, à chaque réunion de la sectio~ syndicale, une diminution des cotisations. Et ils déclaraient à l'adresse du conseil d'entreprise : « Nous pourrions nous passer de vous » (ibid., 3 février 1957). 42. Trybuna Ludu, 20 novembre 1956..
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