L' expérie~ce • communiste LE NOUVEAU MORATOIRE SOVIÉTIQUE par Franklyn D. Holzman LE 8 AVRIL1957, Khrouchtchev annonçait que le gouvernement soviétique avait décidé d'ajourner à vingt ou vingt-cinq ans le service des intérêts et des remboursements relatifs à la dette intérieure, c'est-à-dire aux 260 milliards de roubles d'obligations d'État détenues par les particuliers. 1 Au cours actuel de 105 francs français, le moratoire portera donc sur un capital de quelque 27 000 milliards de francs. Toute suspension du service de la dette d'État représente, pour les habitants de n'importe quel pays, un sacrifice ; mais pour le citoyen soviétique en particulier, elle signifie la ruine des espérances du foyer, car en URSS le ménage moyen a obligatoirement accumulé des titres d'emprunt d'une valeur nominale voisine de six ou sept mille roubles, ce qui équivaut à environ la moitié du revenu familial annuel moyen (1 1/2 travailleur à raison de 8 500 roubles par an). C'est une proportion énorme dans un pays où le niveau de vie est si bas. Khrouchtchev a annoncé en même temps qu'au début de 1958 serait interrompue la souscription (forcée) aux emprunts d'Etat. La suppression de ces prélèvements obligatoires ayant pour effet d'ajouter quelques billets à l'enveloppe de paie de chaque salarié, cette décision devrait être bien accueillie de la population. Mais en dernière analyse, elle ne pourrait lui être réellement profitable que si le gouvernement était disposé- a sacrifier, en même temps qu'une partie de ses recettes de trésorerie, une partie de son programme d'expansion militaire 1. Pravda, 10 avril 1957. Biblioteca Gino Bianco et industrielle. Comme ce n'est pas le cas et que rien n'indique qu'un tel sacrifice soit prévu, le régime, selon toute vraisemblance, sera amené à augmenter les impôts directs ou indirects afin de maintenir le niveau des recettes. LA DECISIONdu gouvernement soviétique annulant d'un simple trait de plume sa dette .intérieure - en principe pour la durée d'une génération, en pratique sans doute définitivement - est de celles qui ne sont concevables que pour un régime totalitaire. Il est vrai que, bien souvent, des gouvernements démocratiques ont dévalué, amorti ou échangé à des taux fort désavantageux non seulement des titres mais des · signes monétaires, assignats, billets de banque, etc. Toutefois ces opérations, du moins sous leur forme classique, furent toujours motivées par une crise inflationniste résultant elle-même de la guerre, de la révolution ou d'autres bouleversements. En pareilles circonstances le papiermonnaie et les titres d'emprunt sont d'ores et déjà dépréciés, et c'est en partie pour cette raison que s'imposent des réformes financières ou des refontes monétaires. En l'espèce, ce n'est pas parce que ses titres sont dépréciés que l'État soviétique manque à ses engagements ; c'est au contraire parce qu'ils ont trop de valeur. En effet leur remboursement, et même le simple service des intérêts, finiraient par accroître de façon excessive le pouvoir d'achat de la population, ce qui obligerait à son tour le gouvernement soviétique soit à augmenter les impôts, pour
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