Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

IN MEMORIAM rente de ses collègues, car, sans qu'il y paraisse, il enseignait à cette conférence comme il devait enseigner les plaideurs, comme il avait toujours enseigné ses étudiants, ceux de l'Université populaire qu'il avait créée en Lorraine quand il avait vingt ans, et puis ceux de la Fondation des Sciences Politiques, et comme il désirait que l'on enseignât les jeunes magistrats. » En terminant son hommage, M. Ithier exprima bien le sentiment unanime des collègues en magistrature ainsi que des professeurs et des élèves de Maxime Leroy aux Sciences Politiques en mettant l'accent sur ces qualités qui, dans des fonctions judiciaires assez exceptionnelles, ont permis à Maxime Leroy d'être, « par sa science et sa conscience, en même temps qu'un grand penseur, un grand magistrat». Qualités que Maxime Leroy cumulait avec d'autres, trop sommairement indiquées dans les allocutions suivantes. B. Souv ARINE parla de l' « écrivain social » en évoquant d'abord « la période héroïque du syndicalisme français, et notamment le congrès de la Confédération générale du travail qui se tint à Amiens en 1906 et vota la fameuse motion dite charte confédérale, définissant les rapports entre l'organisation syndicale ouvrière et les partis politiques ». Peu de survivants de cette époque et des deux guerres savent que Maxime Leroy, qui avait discrètement assisté au congrès d'Amiens, mit la main (pour la rédaction) à la charte qui fit couler tant d'encre. En effet, Maxime Leroy était alors l'ami et confident de Victor Griffuelhes, l'ex-ouvrier cordonnier devenu secrétaire de la CGT au début du siècle et jusqu'à 1908, qu'il aida de ses conseils et de ses connaissances. Il devint aussi l'ami d'Alphonse Merrheim, autre militant éminent du mouvement ouvrier dans les temps difficiles, futur secrétaire de la Fédération syndicale des Métaux, avec lequel il échangea une correspondance suivie qui fut déposée au Centre confédéral d'Éducation ouvrière, peu avant la dernière guerre. B. Souvarine résuma en ces termes la contribution du regretté président de l'Institut d'Histoire Sociale à l'étude du mouvement syndical et des doctrines sociales réformatrices uo révolutionnaires : « Sans appartenir à aucune école socialiste ni à aucun parti, et sans être d'origine ouvrière, Maxime Leroy est le premier juriste et sociologue français qui se soit intéressé à fond au syndicalisme naissant, qui l'ait étudié avec une ardente sympathie compréhensive et qui lui ait consacré BibliotecaGinoBianco 279 des ouvrages désormais indispensables à l'intelligence de ce grand fait social contemporain. « Déjà dans son livre intitulé Les Transf ormations de la puissance publique, qui fut un événement intellectuel en 1907, Maxime Leroy avait montré la force croissante du syndicalisme derrière la façade des institutions issues des principes de la Révolution française. Un ouvrage précédent analysait le Droit des fonctionnaires (1906) et l'ouvrage suivant traita des Syndicats et services publics (1909), avant la publication mémorable en 1913 des deux volumes de La Coutume ouvrière, œuvre originale et d'une érudition sans égale en cette matière. « Dans La Coutume ouvrière, Maxime Leroy se défend d'écrire une histoire du mouvement ouvrier. Il veut '' tenter l'œuvre nouvelle d'une systématisation de la pratique syndicale actuelle, qui s'est développée librement, en dehors de la loi '', il entreprend, '' loin des anciennes disciplines '', '' une explication descriptive de la coutume ouvrière, selon la méthode générale proposée par la nouvelle sociologie qui s'est mise à l'école de l'histoire''. Plus tard, dans Les Techniques nouvelles du syndicalisme, en 1921, il décrira et commentera avec maîtrise l'évolution des syndicats après la guerre ainsi que les méthodes de leur action revendicative. « Le juriste et philosophe politique s'est fait historien des doctrines sociales et biographe des grands réformateurs sociaux avec ses deux livres si remarquables sur Le Socialisme des producteurs, le saint-simonisme, et sur La Vie véritable du comte de Saint-Simon (1924 et 1925). En même temps, il rééditait en l'annotant une œuvre capitale de Proudhon, De la capacité politique des classes ouvrières. Et dans les années suivantes, ce grand travailleur donnait coup sur coup des travaux de premier ordre sur Fénelon et ses idées morales, sur Stendhal et ses idées politiques, sur Taine et ses idées historiques, même sur Descartes social, de 1928 à 1933, et sur La Politique de Sainte-Beuve, en 1941. On lui doit encore un précieux recueil de textes sur Les Précurseurs français du socialisme, de Condorcet à Proudhon, publié en 1948. « Enfin, Maxime Leroy laisse trois tomes d'une œuvre monumentale, hélas inachevée, son Histoire des idées sociales en France, de Montesquieu à Robespierre, de Babeuf à Tocqueville, d' Auguste Comte à Proudhon, où la richesse documentaire et le talent d'exposition égalent la finesse de l'analyse. Nul autre que lui n'aurait pu entreprendre, sur un tel sujet, une tâche aussi considérable. « Ces quelques mots sur Maxime Leroy écrivain social ne donnent évidemment qu'une

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