Le Contrat Social - anno I - n. 5 - novembre 1957

306 Et qu'est-ce que risque Lénine, si son expérience ne réussit pas ? Il travaille comme un chimiste dans un laboratoire, avec cette différence qu'un chimiste travaille sur de la matière morte et que son travail donne un résultat précieux pour la vie, tandis que Lénine travaille sur la matière vivante et entraîne la révolution à sa perte. Les travailleurs conscients p AGES OUBLIÉES qui suivent Lénine doivent comprendre que l'on est en train de faire avec la classe ouvrière russe une cruelle expérience qui va anéantir les meilleures forces des ouvriers et arrêter pour longtemps le développement normal de la révolution russe. Novaïa Jizn, 23 novembre 1917. LES FRUITS DE LA DÉMAGOGIE UN GROUPE d'employés des de Pétrograd m'écrit : services publics Connaissant vos œuvres littéraires antérieures, on s'imagine que vous êtes un homme très au fait des exigences du moment et particulièrement dévoué aux peuples opprimés. Comme· nous savons, d'autre part, de quelle autorité jouit votre opinion parmi le peuple, nous attendions de vous une parole forte, capable de rallier tous les travailleurs, mais non pas ce que vous avez écrit dans votre article intitulé : « Les Fruits de la démagogie» (Novaia Jizn, n° 208). En lisant ces lignes, on ne comprend pas ce que vous avez voulu dire aux « enfants » de l'usine Poutilov ; il nous semble que vous n'êtes pas allé jusqu'au bout de votre pensée sur cette grave question, ou que vous avez agi ainsi consciemment afin que le commun des hommes ne puisse comprendre tout de suite de quoi il s'agit, ou encore que tout simplement vous n'avez nulle envie de donner une réponse plus claire et plus détaillée. Nous pensons que si vous voulez donner une leçon à ces « enfants », et que si l'enfant interroge, le maître doit répondre à toutes ses questions nettement, clairement et surtout sans passion; or, vous semblez n'avoir pas voulu le faire; vous vous contentez de polémiquer ... Je ne comprends pas l'embarras du groupe des employés de Pétrograd. 11 me semble que j'ai répondu d'une façon nette et raisonnable aux auteurs de la lettre de l'usine Poutilov. Ils m'avaient écrit : « Si vous continuez à critiquer le gouvernement des Commissaires du peuple, nous fermerons la Novaïa Jizn. » J'ai répondu : « La Novaïa Jizn critiquera le gouvernement des Commissaires du peuple comme tout autre gouvernement. » Et j'ai ajouté à l'adresse de nos maîtres : « Les personnes qui travaillent dans la N ovaïa Jizn n'ont pas lutté contre une autocratie de canailles et de lâches pour que celle-ci soit remplacée par une autocratie de sauvages. » En effet, la menace de violences est une menace de sauvages, et des citoyens libres ne doivent pas recourir à ces procédés dans une lutte d'idées. Tout cela est clair. Qu'est-ce que le « groupe d'employés» ne comprend pas? Plus loin, le groupe écrit : « Nous ne pouvons non plus comprendre en quoi et comment le gouvernement des Soviets, où prédomine la classe ouvrière, '' perd '' la classe ouvrière .» Mais parce que la classe ouvrière prédomine BibliotecaGinoBianco dans le gouvernement il ne s'ensuit pas que la classe ouvrière comprend tout ce que fait le gouvernement. Le gouvernement des Soviets fait croire aux ouvriers qu'il est possible en Russie de réaliser le régime socialiste. La Novaïa Jizn, dans une série d'articles qui n'ont pas été réfutés au fond par les organes du gouvernement, a affirmé et continuera d'affirmer que n'existent pas dans notre pays les conditions requises pour l'introduction du socialisme, et que le gouvernement de Smolny * traite l'ouvrier russe comme un fagot de bois : il allume le fagot pour voir si au foyer russe pourra s'enflammer la révolution européenne. C'est là tenter la chance, sans égard aucun pour la classe ouvrière, sans songer à son avenir et au • sort de la Russie. Qu'importe qu'elle se consume en vain, qu'elle se réduise en cendres, pourvu que l'on fasse l'expérience. C'est ainsi qu'agissent de.s fanatiques et des utopistes, mais la partie raisonnable et cultivée de la classe ouvrière ne peut se conduire ainsi. Et je l'affirme à nouveau: on est en train de faire avec le prolétariat russe une expérience que ce . prolétariat paiera de son sang, de sa vie, et - ce qui est pis que tout - d'une désillusion durable pour l'idéal socialiste. Il faut bien se dire que si la folie des tsars était capable de détruire des générations entières, cette folie atteint aussi parfois des hommes qui sont corrompus par le poison du pouvoir. La lettre du « groupe d'employés » est écrite avec colère et ornementée d'allusions équivoques, notamment à « ma villa», etc. Une fois pour toutes je déclare à ce groupe et aux autres amateurs d'allusions de ce genre que je n'ai jamais eu et que je n'ai pas de « villa à moi », que je vis du capital de mes connaissances et de mes œuvres, ce que je souhaite de tout cœur au « groupe des employés » et à tous ceux qui jalousent la « propriété » tant qu'eux-mêmes ne possèdent rien. Mais même si je possédais une villa je ne me considérerais pas comme coupable. Je voudrais demander au dit groupe et à tou,s , * Le gouvernement soviétique siégeait à l'Institut Smolny désaffecté par lui. - N. d. l. R. .

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