rev11e!tistoriqi1e et ct·itiqi1e Jes faits et Jes iJées SEPTEMBRE 1957 Vol. 1, N° 4 L'ÉVOLUTION SOVIÉTIQUE par B. AQUELQUES MOIS de ce quarantième anniversaire du coup d'État d'octobrenovembre 1917 dont ils vont se glorifier comme si la durée en soi comportait sa propre justification, les dirigeants de l'Union soviétique n'ont pu dissimuler plus longtemps les anta- - gonismes internes de leur pouvoir oligarchique. Le 4 juillet, ils ont enfin rendu public un sourd conflit de longue haleine auquel ils prétendent avoir mis fin en évinçant du Comité central du parti unique et de son Prresidium quatre des principaux membres (Molotov, Kaganovitch, Malenkov, Chepilov) et en en refoulant quelque peu deux autres (Pervoukhine et Sabourov). Pour motiver cette rupture ouverte, mais inavouée, de «l'unité monolithique » maintes fois affirmée comme dogme inhérent au régime, ils révèlent des dissensions prof ondes et portant sur toutes leurs préoccupations actuelles de politique intérieure et extérieure, ainsi que d'administration économique - sauf sur le monopole absolutiste du pouvoir dénommé communiste, toujours intangible. On ne saura qu'avec le temps discerner le vrai du faux dans l'explication officielle du conflit, tendancieuse et unilatérale comme dans les ~récédents cas similaires depuis que la raison d'Etat soviétique s'identifie au «marxisme-léninisme» de Staline. D'ores et déjà cependant, certaines évidences sont à retenir. Le fait accomplia suscitéen Occidentd'amples commentairesaussi incompétentsque passionnés, Biblioteca Gino Bianco • Souvarine la plupart l'interprétant comme acte de «déstalinisation » volontaire et comme étape vers une hégémonie militaire ; mais il ne rencontre qu'indiff érence totale dans l'Union soviétique : l'affaire concerne seulement les «sommets» du Parti et de l'État, étrangers à la population que quarante années de soi-disant «dictature du prolétariat » ont dépolitisée. 11 n'importe guère à cette multitude exploitée et soumise d'être gouvernée par telle faction stalinienne plutôt que par telle autre. L'approbation unanime du rank and file communiste obtenue automatiquement par le secrétariat du Parti ne prouve ni plus ni moins que l'efficacité de «l'appareil» hérité de Staline. La scission qui s'est produite dans la« direction collective» a coupé en deux le noyau jusqu'alors apparemment stable des plus proches auxiliaires de Staline devenus ses successeurs. Molotov était le dernier survivant de l'ancien Politburo de Lénine et le seul qui, au prix d'un avilissenient définitif, se soit maintenu en place durant un tiers de siècle. Lui et Kaganovitch et Malenkov ont servi le «culte de la personnalité » avec un zèle n'ayant d'égal que celui dont Vorochilov, Mikoïan, Boulganine et Khrouchtchev ont aussi fait preuve : il n'existe pas de critère pour classer ceux-ci ou ceux-là selon les états de service. Chepilov, Pervoukhine et Sabourov, plus jeunes et moins en vue, appartiennent à la même école. Par la tournure d'esprit, le bagage intellectuel et la formation politique
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