L'IMPÉRIALISME SELON HOBSON, LÉNINE ET SCHUMPETER par Daniel H. Kruger 1. L'ACCUSATION d'impérialisme portée contre le capitalisme a pris au cours des dernières années un sens nouveau. Dans la guerre idéologique, cette accusation est devenue une arme de première importance. La propagande communiste n'a cessé de claironner : « Le capitalisme est impérialiste. Le capitalisme se nourrit de guerre et d'agression. Les pays capitalistes sont des fauteurs de guerre ... » Écrivains et orateurs communistes ont inlassablement brodé sur ce thème. Jamais, aux Nations Unies, le délégué soviétique n'a pris la parole sans en développer tel ou tel aspect. La Pravda ne cesse d'y revenir. Les communiste~ cherchent délibérément à faire passer tout capitalisme pour impérialiste, tout particulièrement aux yeux des peuples d'Asie et d'Afrique. Puisque telle est la « position officielle » des communistes, une étude de l'impérialisme a quelque chose d'actuel. Il faut donc revenir aux sources théoriques de cette position et les replacer dans leur contexte original. C'est dans l'œuvre de Lénine, qui lui-même avait fait de larges emprunts à Hobson, que se trouvent les fondements idéologiques de ces accusations. Nous nous proposons, d'étudier dans cet article, après les thèses de Hobson et de Lénine, celle de Joseph A. Schumpeter, sans prétendre pour autant faire une étude exhaustive du sujet ni des théoriciens en question. Pour examiner à fond ne fût-ce qu'un seul élément de cette réalité complexe qu'est l'impérialisme, une vie entière ne suffirait pas. Mais il reste possible de chercher les racines intellectuelles des phénomènes qui nous intéressent présentement et de tâcher ainsi de mieux comprendre l'un des problèmes majeurs du conflit idéologique actuel. Première difficulté, quelle définition exacte donner de l'impérialisme? Il serait certainement BibliotecaGinoBianco trompeur d'appliquer le même terme à tel homme d'État européen préparant naguère la conquête brutale de tel pays d'Asie ou d'Afrique, et à telle firme américaine d'automobiles décidant de construire une usine de montage en Israël. Et puisque ce terme est si insaisissable, qu'il désigne des méthodes et des procédés si divers sinon contradictoires, nous n'ajouterons pas à la confusion en formulant à notre tour une définition nouvelle. Nous nous bornerons à préciser, lorsque nous étudierons un auteur, ce que signifie pour lui le terme d'impérialisme. 2. pouR ÉTUDIER les travaux d'Hobson relatifs à l'impérialisme, il faut distinguer deux périodes : celle de l' Impérialisme, en 1902, qui est la période anti-capitaliste de Hobson; une seconde, à partir de 1911, au cours de laquelle il revient complè- • • • A tement sur ses pos1uons et rerue meme ses premières thèses. Au début de L' Impérialisme, Hobson n'emploie ce terme qu'à regret : Il semble impossible de dégager d~ ce fatras de vagues abstractions politiques un quelconque de ces mots en « isme » qui permettrait de circonscrire le phénomène dans une définition précise et adéquate ... Ce qui ressemblerait le plus à une définition d'un terme comme celui d'impérialisme se dégage de l'inventaire des termes voisins, par une certaine cohérence des rapports entre eux et lui. Nationalisme, internationalisme, colonialisme, ses plus proches parents sont tout aussi fuyants et ambigus. Leurs significations se recouvrent continuellement, et de ce fait leur emploi exige de tous ceux qui étudient le monde politique moderne la plus extrême prudence. 1 1. John A. Hobson : I,nperia/is,n, a Study. New-York. 1~02, p. 1.
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