Correspondance de P.J. Proudhon - Vol. 2 - 1875

282 CORRESPONDANCE J"'étais au céntre de l'insurrection, et un moment ces Messieurs crurent que l'armée chassait l'émeute de notre côté, afin de dégager l'hôtel des Postes- ; nous étions donc passablement compromis. Aussi le bureau de la Réforme fut-il abandonné. Je ne me pique pas de bravoure, mais je vous certifie que j'étais heureux de voir l'émotion de tout ce monde pendant que je recueillais des traits de sublime et de grotesque. J'ai à me reprocher encore d'avoir arraché un arbre /. place de la Bourse, force un garde-fou boulevard Bonne-Nouvelle, et porté des pavés pour construire des Barricades. Un jeune homme en uniforme, élève de l'École des eaux et forêts, passant près d'une barricade où j'étais, fut salué des cris de : Vivent lesÉcoles! Il répondit en faisant gracieusement et aristocratiquement des signes de main. « Mais, lui dis--je sévèrement, où allez-vous? Il faut rester ici et travailler avec les autres I... )) Vous ne vîtes jamais homme aussi décontenancé, et je me détournai pour qu'il ne me vît pas rire. Je suis sûr qu'il a dû me prendre pour un terrible jacobin. ' En somme, l'ouvrier vaut mieux que ses meneurs. Il est à la fois gai, brave, plaisant et probe. Les quatre-, vingt mille hommes rassemblés autour de Paris n'ont pas plus fait qu'une simple patrouille. Les seuls qui aient eu peur, je vous le certifie, sont les bourgeois et les gens d'esprit. Toutefois, il faut dire que si l'ouvrier a fait preuve d'audace, il n'a pas rencontré de résis- tance sérieuse. C'est la démoralisation du pouvoir et de l'armée qui a tout fait. Le succès d'une insurrection ne dépend pas, comme on s'imagine, d'une bataille véri- table ; il provient surtout, et même uniquement, de la généralité et de la rapidité du mo'uvement. Pour Biblioteca Gino Bianco

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