Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875

- 30 · CORRESPONDANCE parlera pour moi? Telle a été jusqu'à ce jour, telle est encore ma vie: habitant les ateliers, témoin des vices et des vertus populaires, mangeant mon pain gagné chaque jour à la sueur de mon front, obligé, avec mes modiques appointements, d'aider ma famille et d~ con- tribuer à l'éducation de n1es frères; au milieu de tout cela, méditant, philosophant, recueillant les moindres choses des observations imprévues. Fatigué de la condition pr,écaire et misérable d'ou- vrier, je voulus à la fin essayer, conjointement avec un de mes confrères,. de réorganiser un peti t établissemen t d'imprimerie. .Les minces économies des deux. amis furent mises en commun, et toutes les ressources de leurs familles jetées à cette loterie. Le jeu perfide des affaires a trompé notre espoir : ordre, travail, écono- mie, rien n'a servi; des deux associés, l'un est allé au coin d'un bois mourir d'épuisement et de désespoir, l'autre n'a plus qu'à se repentir d'avoir entan1é le der- nier morceau de pain de son père. Pardon encore une fois, Messieurs, si, au lieu d'ex- poscr des tìtres réels à votre bienveillance, je ne vous montre que mon infortune. Inconnu à la plupart d'entre vous, j 'ai du, ce me semble, vous dire ce que j 'ai été, ce que je suis. Ce n'est pas, au reste, sans quelque répugnanee que j' ai consenti à vous raconter quelques circonstances de 1na vie, et à vous dévoiler l'état habituel de n1on esprit et de mon caractère. De telles confidences ne me paraissent bien placées qu'entre égaux et amis. - « Eh bien 1 me dit un homme que j 'aime et révère, voulez-vous plaire à 1'Iessieurs de l'Académie? parlez--leur comme à des amis. » - Se serait-il trompé, et ma confianco rno tournerait-elle à n1al G! Biblioteca Gino Bianco

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