Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875
DE P.-J. PROUDHON. 29 reux, me disait-il, et la vie que vous menez ne vous convient pas. Proudhon , nous sommes frères : tant qu'il me restera du pain et une chambre, je partagerai tout avec vous. Venez ici, et nous vaincrons ou nous périrons ensemble. » Il venait alors, Messieurs, de vous adresser lui-mème un mémoire et se présentait à vos suffrages comme candidat à la pension Suard. Sans m'en rien dire, il se proposait, s'il obtenait la préférence sur ses amis, de m' abandonner la j ouissance de cette pension, se réservant pour lui-mè1ne la gloire du titre et l'exploitation des avantages précieux qui y sont attachés. - « Si je suis nommé au mois d'aout, me disait-il sans s'expliquer davantage , notre carrière s'ouvrira au rnois d'aout. » J e volai à son appel, et, co fut pour le voir, saisi par le choléra, consumer pour moi jusqu'à ses dernières ressources, arriver aux partes de la mort sans qu'il me fut possible de lui continuer mes soins. Le manque d'argent ne nous permettait plus de rester unis; il fallut se séparer, et je l'embrassai pou.r la dcrnière fois. Le 25 janvicr dernier, je fis une heure de méditation sur sa tombe. Cinquante francs dans ma poche, un sac sur le dos, et mes cahiers de philosophie pour provisions, je me dirigeai vers le midi de la France ... Mais, Messieurs, ce serait abuser de votre patience que de venir vous détailler ici, par le menu et dans l'ordre chronologique, tout ce que j' ai souffert dans mon corps et dans mon creur. Que vous importe, après tout, que j'aie été plus ou moins secoué par la fortune? Il ne suffit pas, pour mériter votre choix, de n'avoir que de la n1isère à offrir, et vos suffrages ne cherchent point un aventu- rier. Cependant, si je ne découvre pas ma calarniteuse existence, qui me tecomrnandera à votre attention ? qui Biblioteca Gino Bianco ·
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