Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875
, 28 CORRESPONDANCE me jetèrent de plus en plus dans le tourbillon de la vie aetive. Pour vivre, il me fallut quitter ma ville et mon pays, prendre le costume et le ba.ton du compagnon du tour de France, et chercher, d'imprimerie en impri- merie, quelques lignes à composer, quelques épreuves à lire. Un jour, je vendis mes prix de collége, la seule bibliothèquo que j'aie jamais possédée. Ma mère en pleura; pour moi, il n1e restait les extraits manuscrits de mes lectures. Ces extraits, qui ne se pouvaient vendre, me suivirent et me consolèrent partout. J'ai parcouru de la sorte une parti e de la France, exposé quelquef ois à manquer de travail et de pain pour avoir osé dire la vérité en face à un patron qui, pour réponse, me chas- sait brutalement. Cette année méme, employé à Paris comme correcteur, j'ai failli encore une fois étre victime de ma fierté provinciale; et sans l'appui de mes col- lègues, qui me défendirent contre les injustes préven- tions d'un chef d'atelier, je me fusse vu peut-étre, pressé par la faim, obligé de me mettre au gage de quelque journaliste. Malgré toutes les privations et les misères que j'ai endurées, cette extrémité m'eut paru la plus horrible de tol1tes. La vie de l'homme n'est jamais tellement souffrante et abandonnée qu'elle ne soit semée de quelques conso- .lations. J'avais rencontré un ami dans un jeune homme que la fortune tourmentait, aussi bien que moi-méme, par les contrariétés morales et l'aiguillon de la pauvreté. Il se nommait Gustave Fallot (1). Au fond d'un atelier, je reçus un jour une lettre, qui m'invitait à tout quitter et à aller joindre mon ami. .. - « Vous étes malheu- (t) M. GustaveFallot a été le premier pensionnaire Suard. Biblioteca Gino Bianco
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