Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875
DE P.-J. PROUDHON. 27 J amais, Messieurs, je ne sentis un plus vif saisisse- ment. J e retrouvai ma famille consternée, ma mère dans les pleurs : notre procès était perdu. Ce soir-là, nous soupames tous au pain et à l'eau. Je me trainai jusq-u'en rhétorique : ce fut ma der- nière année de collége. Force me fut dès lors de pour- voir à ma nourriture et à mon ontretien. - « Présen- tement, me dit mon père, tu dois savoir ton métier; à dix-huit ans, jo gagnais du pain, et je n'avais point fait un si long apprentissage. » - Je trouvai qu'il avait raison, et j 'entrai dans une iinprimerie. J'espérai quelque temps que le métier de correcteur me permettrait de reprendre mes études abandonnées au moment n1ème où elles exigent des efforts plus grands et une activité nouvelle. Les reuvres des Bos- suet, des Bergier, etc., me passèrent SQUS les yeux ; j 'appris les lois du raisonnemcnt et du style avec ces grands maitres. Bientòt je me crus appelé à devenir un apologiste du christianisme, et je me mis à lire les livres de ses ennemis et ·de ses défenseurs. Faut-il vous le dire, Messieurs? Dans l'ardente fournaise de la contro- verse, me passionnant souvent pour des imaginations et n'écoutant que mon sens privé, je vis s'évanouir peu à peu mes chères et précieuses croyances; je professai successiven1ent toutes les hérésies condamnées par , l'Eglise et relatées dans le dictionnaire de l'abbé Plu- quet; je ne me détachais de l'une que pour 1n'enfoncer dans l'opposée, jusqu'à ce qu'enfin, de lassitude, je m'arretai à la dernière et peut-ètre la plus déraison- nable de toutes : j 'étais socinien. J e tombai dans un découragement profond. Cependant les commotions politiques et ma m t&ère privée m'arrachèrent à mes m~ditations solitaires, et Biblioteca Gino Bianco
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