Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875
, 26 CORRESPONDANCE inconcevable. - La matière, disent les mèmes philo- "' sophes; n'est point l'Etre nécessaire, parce qu'elle est évidemment contingente, dépendante et passive. Donc, elle a été créée. Mais co1nment concevoir la création de la matière par l'esprit plutòt que la production de l'esprit par la matière? L'un est aussi inconce- vable que l'autre. Je demeurai donc ce que j'étais; croyant en Dieu età l'immortalité de l'ame : mais, j'en demande pardon à l<;1philosophie, ce fut bien moins à cause de l'évidence de ses syllogismes que pour la fai- blesse des raisons contradictoires. Il me sembla dès lors qu 'il fallait suivre une autre route pour constituer la philosophie en une science, et je ne suis pas revenu de cette opini on de mon enfance. J e poursuivis mes humanités à travers les misères de ma famille, et tous les clégouts dont peut etre abreuvé un jeune homme sensible et du plus irritaòle amour- proprc. Outre les maladies et le mauvais état de ses affaires, mon père poursuivait un procès dont la perte devait compléter sa ruine. Le jour mème où le juge- m.ent devait etre prononcé, je devais etre couronné d'exeellence. Je vins le creur bien triste à cette solennité où tout semblait me sourire; pères et mères embras- saient leurs fils lauréats et applaudissaient à leurs triomphes, tandis que ma famille était au tribuna!, attendant l'arrèt. Je m'en souviendrai toujours. - M. le recteur me demanda si je voulais etre présenté à quelque parent ou ami pour me voir couronner de sa main. - Je n'ai personne ici, Monsieur le Recteur, lui répondis-je. :- Eh bien ! ajouta-t-il, je vous couronnerai et vous embrasserai. Biblioteca Gino Bianco
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