Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875
20 CORRESPONDANCE un remords, comme un spectre. Non pas que je me croie obligé par la promesse que m'arracha la compa5'- sion d'un jeune homme mourant dans la détresse de sa carrière interrompue : à Dieu ne plaise que je me croie fait pour donner ·de l'immortalité à personne l Mais ce spectacle d'un génie naissant, aux prises avec une fatalit.é inexorable; cette conscience si fortement acquise qu'il avait de son avenir, et à laquelle la mort venait dire : tu en as menti; l'idée que la perte d'un seul homme a peut-etre été souvent la cause que les desti- nées de l'humanité, attachées à celles de la science et de la philosophie, en ont été ou retardées ou engagées dans de fausses routes; les images, opposées et luttant ensemble, de la pensée, du néant, du hasard et de l 'intelligence, tout cela n1e causa une impression de terreur, une ltorreu1 4 divine, qui dure encore. J e vous offre, Monsieur W eiss, les lettres qui me restent de cet homme dont je ne verrai pas le pareil, du moins pour moi : prenez la peine de les lire; peut-étre, écrites à un camarade, vous en apprendront-elles plus que tout ceque je pourrais dire. Vous y reconnaitrez que la facullé dominante de Fallot était l'aptitude aux médita- tions philosophiques, et que la philologie ne fut j amais pour lui qu'un objet secondaire qui pouvait fournir quelques lumières sur les objets dont s'occupe la haute rnP;taphysique. Une de ses croyances était que l'obser- vation des phénomènes du langage et de la physiologie, comparés, amèneraient tot ou tard des découvertes assez importantes pour résoudre définitive1nent , en oui ou en non, les problèmes les plus intéressants de la ,science. Il disait que le génie était tout entier dans 1 l'attention. Cette vérité me parait profonde. Nous ne i 'manquons pas de définitions du génie; quelques-unes Biblioteca Gino Bianco
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