Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875

• 336 CORRESPONDANCE Je ne puis donc vous rien dire à ce sujet. Mais à dé- faut de critiques spéciales, je vous dirai tout frane et tout net qu.e je suis fàché de vous voir plongé dans des. travaux qui rapetissent l'esprit à force de subtilité. Vous voulez refaire la poétique de la langue t Comment ne voyez-vous pas que les lois de la métrique et du rhythme n'ont absolument rien d'arbitraire; qu'elles sont données par la nature méme des idiomes et recon- nues par les orateurs doués de gout et d' oreille ? Quiconque s'est mèlé d'écrire en une langue a du re- n1arquer que, toutes les fois que le style s'élève, s'épure ou s'harmonise, il tourne tout naturellement au vers. C'est ainsi que j' ai fait déjà plus de cinquante vers au travers de ·ma vile prose. La langue française, pour nous en tenir à celle-là, aime les coupes de six, de sept, huit, dix et douze syllabes, ainsi que le retour des consonnances. La poésie est l'idéal du langage. Or, cet idéal ne se trouve que dans l'étude approfondie des propriétés et des tendances secrètes d'un idiome. Je ne doute pas qu'à ce sujet il n'y ait encore beaucoup d'ex- cellentes choses à dire; mais j e voudrais qu' au lieu de démolir, comme fait M. Lamennais en religion, vous vous contentiez de philosopher. Rendez nous raison des beautés de la langue, du pourquoi les vers de Racine nous semblent si beaux; expliquez comment un certain nombre de formes métriques sont belles et seules praticables, pourquoi au delà il n'y a plus que dissonnance et confusion, e~ vous aurez fait la philo - sophie de la poétique et du style. Ce sera profoncl, sa- vant, ingénieux et amusant. Vous ferez cles co1nparai- sons allemandes, latines, grecques, etc. Un tel travail n'existe pas. Je voudrais hien vous voir une belle et bonne Prus- I Biblioteca Gino Bianco

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