Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875

' 320 CORRESPONDANCE sous peine de passer pour ignorant ou pour mystifìé. Du reste, je me garderai bien de découvrir le mys- tère; je coinpte au contraire traiter notre futur auteur avec égards et convenance; mais ou il criera : Vi1iel' éga- lité ! A òas la propriété! ou je le change en ·bourrique. Comment trouvez-vous le guet-apens? - J'espère que votre gravité philosophique ne s'en formalisera pas; il faut aujourd'hui traiter les hommes comme des enfants, leur emmieller le vase pour les faire boire, les piper_dans leur intérèt. Ma petite supercherie est légi- time, car elle ne renferme ni mensonge ni trahison; elle consiste uniquement dans une dispensation gra- duée de la vérité. Je ne songe pas à revendiquer d'ail- leurs la paternité d'un livre que j 'ai vendu d'avance, ce qui serait indigne; que sont quelques aperçus plus ou moins heureux, pour que deux hommes s'en disputent la propriété? Aussi n·'est-ce point là que je porte mes regards : e'est le triomphe ultérieur de la vérité que je m'efforce d'amener par tous les moyens. J'ai vu à l'Institut, il y a deux ans, deux naturalistes se battre pour une priorité de découverte que chacun revendi- quait; il s'agissait d'un muscle qui se trouve dans les ouies du merlan. Quelle misère I Combien celui-là est pauvre qui se croit anéanti pour la perte d'une décou- verte l Le monde est infini dans tous les sens; dites ce que vous voudrez, découvrez tout ce qu'il vous plaira, il me restera toujours plus de gloire à acquérir que vous n'en aurez obtenu. Je ne crains pas vos succès; je ne demande que du temps. Je n'ai pu résister au plaisir de vous faire part de ma position présente et de mes projets; mais je sou- haite que vous n'en fassiez pas de confidences. Mon maitre se contente de si peu de chose, qu'il y aurait Biblioteca Gi o Bianco

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