Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875

DEP.-J. PROUDHON. 257 dans le meme état où vous les avez laissées. J'ai blàmé Haag, et j 'ai chargéBergmann de répriinander Elmerick, s'il le voyait. Je n'ai pas encore revu Torzuelo. Dessirier vous fait ses amitiés bien sincères. Mon cher Ackermann, vous allez publier un volume de vers ; c'est fort bien et je vous félicite d'avoir conservé assez de liberLé d'esprit pour vous occuper d 'hémistiches et de césure; mais · j 'aurais appris avee plus de plaisir que vous eussiez fait paraitre quelque petite traduction, allemande ou française, quelque étude linguistique ou pyschologique, Oll tout autre ou- vrage plus digne de vous et du temps où nous vivons. Je pense que le nombre de tous vers qui peuvent etre faits dans chaque langue est en général assez borné; · et, pour la langue française, en particulier, je crois que ce nombre de vers était atteint dès avant Voltaire. C'est une opinion que vous trouverez peut-etre singulière; elle vous le paraitra moins si vous y réfléchissez. De cette masse de mots que renferment nos énormes voca- bulaires, il n'y a guère que les termes usuels, les mots classiques qui soient poétiques; or, pensez-vous que le nombre des combinaisons qui peuvent amener de beau.x vers, sur trois ou quatre 1nille mots, soit fort grand? Il y a là, selon moi, une cause matérielle de décadence pour toute poésie, cause dont nos rimeurs ne s'aper- çoivent pas et contre laquelle ils se raidissent d'une manière risible. Non, je n'ai jamais cru qu'une nation ne pòuvait produire qu'un Corneille, un Racine, un Molière; mais ce qui fait un Molière et un Cor- neille ne peut pas servir pour deux. Souvenez-vous que les derniers poètes de la Grèce et de Rome, avec autant de science et de génie peut-étre qu'Homère et Virgile, n'étaient plus que des collecteurs de centons; CORBESP. I. {7 Biblioteca Gino Bianco

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