Giacomo Matteotti - Une année de domination fasciste

Struttura di missionc annivcrs.'l1i nazionali cd cvcnti sportivi nazionali c intcrnazionali

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Giacotno MATTEOT.TI Dans la partie basse de la région vénitienne, s'étend une vaste plaine sur le bord du P.ô qui fut, -il y a quarante ans, le berceau du sociaÜ ~me italien : le Pole!S-ine. o·e grandes fermes - aujourd'hui exploitées selon _les dernières mé.thodes techniques - jalonnaient c~Jte plaine monotone, où une populatio~ de paysans mal nourris était courbée sous le joug de la n1isère. Le gros agriculteur - la petite culture ~st encore aujourd'hui pre~·que inconnue dans le· Polesine - était à la fois le maî~re et' le roi de sa propriété. Les paysans n~avaient qu'à travailler de l'aube au coucher du soleil pour quelques sous et remercier le patron de ne pas les laisser mourir de faim. Ce fut dans ce milieu qu~ se manifestèrent le!S-premières agitations agrariennes. Elles devaient donner au mouvement ouvrier d'Italie son caractère particulier, celui d'un mouvement engloba_nt à la fois les ouvriers industriels et les travailleurs agricoles. · Giacomo 'Matteotti naquit dans une de ces com111unes populeuses, à Fratta-Polesine, le 22 mai 1885. Tout jeune, il prit contact avec les misères et les douleurs des prolétaires, entraîné par l'exemp,le de ses deux frères Matteo et Silvio, socialistes de la première heure, des plus enthousiastes, morts tous deux il y a longtemps déjà. Etant étµdiant des écoles secondaires, il donna son adhésion au Parti. Etudiant à l'Université de Bologne, il se fit remarquer tout de suite par sa passion pour les études écot Biblioteca Gino Bianco

--------------- 1 _J GIACOMO MATTEüTTI Biblioteca Gino Bianco

-- 3 - nomiques et juridiques. Dès qu'il eut terminé ses études universitaires, il voyagea beaucoup à l'étranger. Il parlait couramment le français, l'anglais. et l'allemand. Sa préparation intellectuelle l'inclinait aux hautes études de droit et d'économie ; il aurait sûrement occupé une chaire universitaire ; il collabora aussi à des revues d_epremier ordre et ses écrits orit été appréciés par des maîtres et des savants de haute valeur. Mais la passion politique l'éloigna de ses recherches scientifiques et juridiques •: il ' se donna tout entier à la cause prolétarienne. Sa situation ais~~ sti?1ula sog~._activité: li considérait d'ailleurs comme un ltvo1r de venir en aide aux paysans et - aux ouvriers po.u~.ll~esrelever de leur dégradation. Il n'y a pas de luttes é~onomiques en Polesine, dans -ces dernières vingt années, sans qu'il en fut l'animateur, le conseiller~ le défenseur plein d'enthousiasme et de foi. Il fut aussi un des administrateurs locaux les plus apprécié~. Avec cette sérieuse préparation d'études et de pratique, il entra a.u Parlement en 1919 et il ne tarda pas à se faire remarquer par ses discour~ et ses interventions. Orateur élégant, polémiste redoutable, batailleur d'une force et d'une ténacité admirables, à trente-cinq ans, il était déjà un des leaders à la Chambre. · Le Polesine fut une des premières régions agricoles envahies par le fasci~me. Au cours de 1921, toutes les violences, hélas ! que tout le reste de l'Italie connut peu à peu, y furent commises. Il a écrit sur ·le martyre de sa terre natale des· pages poignantes ·; i~ a fait des discours à la Chambre et dans le~ congrès socialistes qui sont restés dans la mémoire de tous les assistants. Ce fut au mois de mai I921. - quand _Giolittivoulut faire des élection~ dans l'espoir d'anéantir les socialistes, après l'occupation des usines, sans cependant y réussir -· qu'il eut à subir, d~ns !!O_n arrondissement, les premières violences fascistes. Les bravi de son adversaire Finzi - le sous-secrétaire à l'Intérieur, qui a dû démissionner après ~-onassassinat - Biblioteca Gtno Bianco

-- 4 - lui avaient interdit de se rendre dans le Polesine. N'ayant pas obtempéré à le.ur sommation, il fut enlev~, ligoté, emmené dans un camion durant toute une journée, frappé, blessé, et jeté dans un marécage. En 1921, il retourna à la Chambre ; il dénonça les violences inouïes des· fascistes et la complicité criminelle du Gouvernement. Banni de son domaine, il continua sa lutte sans arrêt. On peut dire que Giacomo Matteotti a vécu, au jour le jour, to.ute la tragédie du peuple italien. Nommé secrétaire du Parti socialiste italien unitaire, il se donna tout entier à cette tâche si difficile et si pleine de dangers. Il réus~it, malgré la dictature, à donner au Parti une vigueur et une force remarquables, à le faire redouter de ses adversaires par son action droite, ouverte, -loyale, Dans ces dernières années, si sombres et si douloure:uses., le Parti unitaire sut galvaniser l'opposition à la dictature, sans jamais froisser le~- autres groupements socialistes ou démocrates. Aux dernières élections, Matteotti avait été élu à Rome et dans la Vénitie. Il rentra à Montecitorio où il prononça son dernier discours, qu'on ne saurait lire encore sans éprouver: une émotion profonde. Sa droiture, son inflexibilité, sa force sereine, sa certitude que le fascisme représentait .une vague de moyen-âge ahattue sur l'Italie, se révèlent dans- ce discours qui est aussi un testament politique et moral. * * * Le 10 Juin une escouade de bandits à la solde du Uouvernement, avec une automobile louée au nom du Ministère, l'enleva à Rome, en plein jour, sous les yeux de plusieurs· personnes accablées par la terreur. On l'a martyrisé avant de le tuer. Un des assassins a avoué que Giacomo Matteotti n'eut jamais un seul n1oment de faiblesse. Poignardé, il a continu·é à crier sa foi et son mépris po.ur des· adversaires qui, n'étant pas en mesure de BibliotecaGino Bianco "

le combattre sur le terrain de la raison, cherchaient celui du crime. * * * Sur le Lunga Tevere Arnaldo da Brescia, à Rome, une croix, peinte grossièrement sur le mur, indique le lieu où fut enlevé Giacomo Matteotti. Cet endroit est déjà sacré dans. le cœur du peuple italien. Toute ,la journée des homm.Js, des femmes, des· vieillards et des enfants de toutes condiüons soèiales défilent en silence devant cette croix, déposant des fleurs, s'arrêtant quelques instants, tandis que les· policiers jettent à l'eau les offrandes et bousculent le public. Giacomo Matteotti fait ·peur aux bourreaux, même après sa mort. Le fascisme, dans son cauchemar, demeure insensible à tous les cris d'hùmanité qui se lèvent des masses profondes du peuple italien- ; il s'acharne à détruire, il continue sa course folle vers l'abîme où il voudrait entraîner toute l'Italie et il n'aperçoit pas qu'il représente désormais le passé : un passé de violence, d'arbitraire et de démagogie qui a pu, pour un moment, obscurcir le soleil, mais qui est condamné. Giacomo Matteotti est la lumière de la liberté italienne. Les mains sanglantes des fascistes ne pourront l'éteindre ! E. c.· BibliotecaGino Bianco

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MATTEOTTI Une , annee de domina-tian fasciste· (TRADUCTION DEC. CAPORALI) 1924 1\'Iaisonnationale d'édition L'ÉGLANTINE 20, rue de Lenglentier, 20 Bruxelles-Midi Biblioteca Gino Bianco

INTRODUCTION Le Gouvernement fasciste cherche à justifier la conquête par les annes du pouvoir politique, l'usage de la violence et le risque d'une guerre civile, par la nécessité urgente de restaurer l'autorité de la loi et de l'Etat, et de rétablir la situation écononüguc et f inancièr.e, n~cnacéc d'une ruine con1plète. Les c/ziffres, les f ails et les do·cuinents recueillis dans ces pages dé1nontrent, au contraire, que jamais autant que durant cette année de domination fasciste, l'arbitraire n'a re,nplacé la loi, jamais l'Etat n'a été sou111isautant à des factions. En réalité, le fascisme a divisé la nation en deux clans : celui des 111aUreset celui des sujets. L' éconornie et la finance italiennes, dans leur conzplexité, ont poursuivi lentc,nent et péniblen1ent la reconstruction d'après guerre. Cette reconstruction c11a:t déjà co111n1encédans. les années pïécédentcs, grâce aux saines énergies du pays èt non par les excès ou par les extravagances de la donzination fasciste. A celle-ci, on doit une seule chose : la spéculation et l'accroissen1ent des bénéfices du capitalisn1e. [)' autre part, la classe ouvrière et la classe 1noyennc ont vu ditninuer leurs ressources et elles ont été privées de toute liberté. BibliotecaGino Bian. o

PREMIERE PARTIE '. La Situation écon·oinique et financière I. - LES CHANG·ES .. La. première promesse faite aux Italiens par le nouve·au Gouvernement fut de porter « en peu de temps '.a lirè à la v~leur de 50 centimes ». Cette promesse était une mani~ festation de ce fascisme miraculeux qui prêche l'indépendance de l'économie envers. l'Etat, mais qui cependatit s'imagine pouvoir diriger cette même économie. En réalité, même avant le fascisme, s'était manifestée la tendance de la lire italienne à stabiliser sa propre valeur et à s'améliorer peu. à peu. Il est de toute évidence que si l'on pouvait résoudre les différends internationaux, qui sont des conséquence~ de la guerre, l'assainissement de l'économie financière serait plus rapide. - Pendant les années 1919 et 1920, l'accord c.essa entre , les allié3 qui maintenaient artificiellement le cours du change, et l'on aperçut alors_ ~es néfastes conséquences de la guerre. Dans les années 1921 et 19~2, des oscillations, avec tendance à la stabilisation et à l'amélioration, furent con~-ta-: tées. En 1923, c'est-à-dirë pendant l'année fasciste,. les chanBiblioteca Gino Bianco

.. - 10 - ges ont plutôt empiré, si l'on compare les mois· de ,cette année aux mois correspondant de 1922 Janvier Février Mars Avril 1\i\ai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre N1oyennQ Valeur en lires· du dollar 1922 22 9 ' 20,5 19,5 18,7 19~ ' 20 1 ' 22,-- 22 3· ' 23,4 20,9 1923 20,4 20,8 20,6 20,2 20,7 21,.9 23, 1 23,2 22 7 ' 222 ' 23 1 ' 21,7 Lires-papier pour 100 lires-or .Bourse de New-York. 1922 1923 - 443 395 393 401 376 397 359 389 367 399 · 387 4Â2 422 4,46 429 448 450 435 427 445 411 II. - LA BALANCE COMMERCIALE La balance commerciale, .graveni·ent altérée pendant ta. guerre, a une tendance constante, depuis 1920, à retourner aux conditions d'avant-guerre, ici a.uss1 sans changements miraculeux. On remarque même, dans les premiers mois de 1923, un faible accroissement du déficit qui sera d'ailleurs assez facilement réabsorbé à la suite de l'amélioration deii marchés du blé et du sucre. (Dans la lecture de la table, il faut tenir compte que les sommes portées après juin 1921 ont été diminuées par ~uite du nouveau système d'évah,1ation statistique). Biblioteca Gino Bianco

. - 11 - Import. Export. . Déficit en millions de lires Pr~ier semestre 1914 1.888 1.285 603 1920 14.007 5.985 8.022 1921 8.749 3.962 4.787 1922 7.772 4.200 3.572 1923 9.073 4.886 4.187 Juill~e8cpte·m bre 1922 3.417 2.150 1.267 1923 3.616 2.440 1.176 Ann'-e· 1913 3.667 2.592 1.075 1920 26.840 11.775 15.065 1921 - 17.238 8.277 8.961 1922 15.770 9.297 6.473 Malgré le déficit de la ba{ance commerciale, le solde ·des dettes et des créances entr'e l'Italie et l'étranger pouvait déjâ être porté à ,l'actif dep.uis 1922, c'est~à-dire avec le vieux régime. . Suivant le~ tables du professei.tr Jannacom, il résulterait_, e.11 -effet, pour 1922 Solde-débit Solde-crédit Excédent-actif millions 7.516 7.748 228 III. ·_ LA CIRCULATIONFIDUCIAIRE LES RESERVES ET LES ANTICIPATIONS Les communi,qués officiels ou officieux de la presse fasciste ont annoncé que « la circulation a été notablement réduite. Elle atteignait 18 milliards quand le Gouvernement fasciste a pris le pouvoir ; actuellement elle est d'environ 1 fi milliardt, ( 1). La réduction est de plus de 2 milliards, soit 300 mit:ions par mois, tandis que les Gouvernement~ ( i) OANOEMI. ~ L'Italie de Mussolini. (L'Europe nouvelle). • Biblioteca Gino Bianco

- 12 - précédents ont eu -besoin de presque deux années pour la réduire d'un milliard et demi. » ( communjqué Agence Volta, 21-6-1923) . La réalité, au contraire, telle qu'elle résulte des documents, est la suivante. La .circu~atioti.· a atteint son maximum en décembre 1920, à la suite des dernières dépenses extraordinaires de guerre et des approvisionnements. En 1921, a commencé l'assainiss·ement qui, vers la fin de l'an-• ~ née, était arrivé à 2 milliards environ, mais le crak de la Banca ltaliana di Sconto fait remonter la circulation fiduciaire au delà de 19 milliards. En 1922, l'amélioration reprend et atteint un mi'.liard et demi. Entre les mois de 1922 et ceux de 1923, c'est-à-dire pendant la période fasciste, la différence en moins· e~t. en moyenne, inférieure à un milliard et, dans les derniers mois, juin, juillet, août 1923, l'amélioration est inférieure d'un demi-milliard à celle des mê~es mois de 1922. Ce'.a montre donc que persiste heureusement cette faible tendance à l'amélioration que déjà l'on constatait dans les années précédentes, mais qu'aucun miracle ne nous est venu de la part du Gouvernement fasciste. 1920 décembre millions 19.732 1921 Janv1er-JU1n 18.5GO 1921 juillet-novembr~ 17.940 1921 décembre 19.209 1922 1923 Janvier 18.755 17.442 Février 18.258 17.153 Mars 18.113 17.035 Avril 17.711 ,16.685 Mai 17.320 16.2EO Juin 17.823 17.337 Juillet 17.997 17.382 Août 17.747 17.035 . Septembre 17.989 17.145 Octobre 17.238 BibliotecaGino Bianco

- 13 -- Les ·réserves pour garantie sent le~ suivantes Or Argent Titres ou dépôts à l'étranger Année · 1920 millions 1.054 115 903 1921 1.092 114 792 1922 ~ 1.126 116 799 1~23 1.134 116 603 Les avances bancaires de la part des établissements d'émission ont diminué, ici encore sans rien de remarquable : 1921 décembre 1922 janvier-avril mat-Jt11n juillet-octobre1923 juillet-octobrê millions 4.839 4.167 3.622 3.068 2.972 IV. - LES DEPOTS, L'EPARGNE, LES RECETTES DES P. T. T. ET LES MONTS-DE-PIETE Le montant des épargnes était : '30 jum 1920 mi:Iions Id. 1921 Id. 1922 Id. 1923 20.654 26.618 28.316 32.334 c'est-à-dire que l'augmentation a suivi le cours moyen des 2nnées précédentes. Il faut noter que, depuis 1919 jusqu'à 1922, l'épargne privée a porté tous les ·àn~ environ l 0 milliards en plus ùux caisses de l'Etat so.us formes de bons, consolidés, etc. (23 milliards du 30 juin 1919 au 30 juin 1921 ; 7 milliards en 1921-1922 et seulement 3 mïliards pendant l'année 19221923. Biblioteca Gino Bianco

·.-- 14 - Les recette!, du 1\ilinistère des Postes, Télégraphes et Téléphones se mo.ntent à en 1919-1920 1920-1921 1921-1922 Premiers 10 mois 1922 Id. 1923 millions 344 509 632 585 ~23 e'est-à-dire que se poursuit l'augmentation normale des recettes -sam, aucune nouveauté. Le mouvement des gages confiés aux Monts-de-Piété élugmente, au contraire, considérablement : • Janvier 1921 75.235 Id. 1922 152.306 Id. 1923 179.568 Septembre 1923 204.437 V. - LESPRIX,LESFAILLITES,LESCAPITAUX, LES ACTIONNAIRES. Dans le co.urant de 1923, la moyenne des prix des marchandis~s a augmenté. On ne veut ·pas ici mettre à la charge du régime fasciste cette constatation ; mais ceci pourra au moirn, servir à démentir ceux qui attribuaient l'augmentation des prix des années précédentes à la faute des travailleurs seulement. Prix de gros Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Aoîtt Septembre Moyenne Biblioteca Gino Bianco ( Index Bachi) 1922 727 709 672 664 660 677 702 720 733 696 1923 725 733 740 1 741. 731 717 714 715 717 726

15 - A la suite des décrets sur les loyers libérant ceux-ci des re:,trictions de la législation de guerre, les dits loyers - qui constituent un important facteur dans l'évaluation du coût de· la vie - ont augmenté de 40 à 50· pour cent en moyenne. Et ils continuent à augmenter. On constate une recrudescence des faillites. La mo,yenne mensuelle, qui était de 52 en 1920, de 149 en 1921, de 297 eri 1922, et en 9 mois de 1923 elle a atteint le chiffre de 443. Les investissements des capitaux dans les sociétés anonymes se sont accrus aussi : moyenne mensuelle 1920 millions 423 moyenne mensuelle 1921 millions 288 moyenne mensuelle 1922 millions 232· moyenne mensuelle 1923 (9 .mois) millions 383 VI. - LES BENEFICESET LES SALAIRES Les cours en bourse des titres industriels se sont amé-- liorés, suivant l'index Bachi, du inini,mum 56.45 ( avril 1922) au maximum ·57.47 (septembre 1922), toujours sous lt vieux régime. So'us le Gouvernement fasciste, on passe de 70.16 (octobre 1922) à 72.93 (janvier 1923), à 76.62 (juillet 1923), à 80.49 (août 1923). Le consolidé italien réalisait les progrès suivants en 1922 Janvier 75.90. Septembre 8°1.80. en 1923 Janvier 84.40. Septembre 88.30. Octobre 89.20 * * * Les salairei des ouvriers, au contraire, n'ont pas cessé de diminuer. Dans les métaux, la moyenne des salaires, qui était de Biblioteca Gino Bianco

I / -- 1ô / 25 lires en 1921, est tombée à 19 lires en 1923, c'est-à-dire qu'elle a_ subi une diminution de 20 %. Dans les industries du textile et du bâtiment, dans les industries chimiques, etc., la réduction peut être évaluée de 10 à 20 %. Il faut ajouter aussi que, dans les petits centres de province, la diminution atteint même 30 %. Seuls, dans quelques petites industries et dans le livre, . les salaires ont été diminués de moins de 10 %. Dans l'agriculture, la réduction moyenne des · salaires imposée par_ les fascistes ou res agra.riens, en comparaison des pactes confédéraux, est de 10 à 15 % environ. Mais cette diminution va au delà de 20 % à cause des restrictions ou de l'abolition des garanties de placement, du minimum d'occupation dans les fermes, de la journée de 8 h·éu res. · La Caisse Nationale d'assurance contre les accidents du travail donne, à ce sujet, les chiffres suivants : salaire moyen en 1921 : 18.74. salaire moyen en 1923 : 17.05. Pour les grands centres ouvriers, la réduction est encore plus marquée : Turin Milan Gênes Bologne de 18.97 à 16.54 de 17.80 à de 22.80 à 16.17 20.28 de 19.00 à 16.56 En résumé, si les iildex de l'économie nationale prouvent que. la reconstruction se poursuit ; si les index des profits capitalistes sont en augmentation ; si les index du coût de la vie sont eux aussi augmentés ; et si seulement les salaires sont en diminution, cela veut dire que le régime actuel n'a pas apporté la moindre amélioration à l'ensemble de l'économie nationale ; mais qu'il a apporté des innovaBiblioteca Gino Bianco

--,- 17 - tions seulemerit en ceci : la reconstruction éconon1ique se poursuit, 1nais aux frais exclusifs des classes ouvt:ières et de la petite bourgeoisie. VII. - LE CHOMAGE,L'EMIGRATION, LES GREVES Les statistiques officielles sont dépourvues de toute uniformité, de toute .méthode : elles sont inexactes. En 1920-21, les relevés sta ti.stiques signalent les crédits ouverts aµx municipalités pour faire face au chômage par les concessions de travaux publics ; maintenant ils sont recueillis par des fonctionnaires, sous certaines restrictions : ni l'un ni l'autre système ne peut nous donner la situation véritable du marché. de la main-d'œuvre italienne. Les 261.494 chômeurs, dénoncés pour 8 mois de,,. 1923, ne représentent donc qu'une partie de ceux qui, en Italie, ne peùvent pas trouver de travail. D'autre part, si l'on veut faire une év~luation exacte des conditions économiques d'un pays, il faut ajouter, aux chômeurs, pour ainsi dire officiellement reconnus, les émigrants, c'est-à-dire ceux qui, n'ayant pas trouvé d'occupation dans leur patrie, se rendent à l'étranger pour travailler. Or l'émi,gration italienne officiellement constatée, en 1921-1922, atteignit le chiffre de 180.000 personnes. Le nombre des Italiens qui s'expatrient peut être estimé, pour la même année, à 225.000. Si l'on déduit de ce nombre ga.000 rapatriements, on obtient un excédent d'émigrants de 145.000. En 1922-1923, ce,s chiffres augmentent sensiblement : 309.000 émigrants enregistrés ; nombre total des expatriés, environ 400.000 ; 80.000 rapatriements, ce qui donne un excéde.nt de 340.000 émigrants. Si donc, aux chômeurs officiels àe 1923 on ajoute les émigrants, on atteint un total de non-travailleurs qui dé2 Biblioteca Gino Bianco

- 18 - passe de beaucoup le demi-million, nombre bien supérieur à celui des années précédentes. * * * La gloire dont se flatte le fascisme est d'avoir réduit les grèves ouvrières de 10 à 1. Il y en eut 680 dans l'année précédente et seulement 156 durant l'année fasciste. - Il est un fait certain : la matraque et le manque de toute liberté d'organisation et de réunion rendirent les grèves matériellement impossibles. Aujourd'hui, en Italie, font des grèves. et ont le droit ' d'en faire seulement les adhérents aux organisations fascistes. Mais la situation économi,que a une influence aussi sur le nombre des conf,lits. Dans l~s périodes de. crises et de dépression économique, le nombre des grèves est toujours en diminution. L'exemple des autres pays peut le démontrer. * * * Le fascisme s'est vanté d'avoir été la cause de la bonne récolte du blé en 1922-1923. En effet, la productio~ a atteint 54 millions de quintaux, soit 10 en plus que l'année précédente. Pour réduire à néant ce bluff de la presse fasdste, il suffira de rappeler que l'ensemence.ment a été fait sous le vieux régime et que, d'ailleurs, il est enfantin de ne pas reconnaître les bonnes années alternant avec les mauvaises et que - par exemple en 1921, année bolchéviste - la production du blé a été de 52 millions 482 mille quintaux. Il faut aussi noter que, malgré l'amélioration des cultures de blé, la production n'a pas encore atteint le chiffre d'avant-guerre, qui était de 58 millions 452 mille quintaux. On a même fait passer l'augmentation du trafic dans le port de Gênes comme un mérite du fascisme. Notons en hâte : BibliotecaGino Bianco

19 - a) que, déjà· en 1922, le trafk du port de Gênes avait crît de 13 % vis-à-vis de l'année précédente ; b) que l'augmentation dans le tonnage des arrivées, fin 1922 et 1923, est due au conflit de la Ruhr, qui a contraint les consom.mateurs de houille à l'acheter en Angleterre, et à l'importation du blé nécessaire à combler le déficit de la maigre récolte de 1922. Par contre, le fascis,me a augmenté tous les droits du port et il y fait davantage de dépenses qu'auparavant. VIIL - LA DETTE PUBLIQUE . La dette pu.blique aussi r~siste aux cüups de foudre du miracle fasciste. Quoique les dépenses exceptionnelles de guerre soient clôturées, elle a continué à s'accroître par rapport aux derniers déficits financiers, comme le démontre le tableau suivant, dans lequel n'est pas comprise la dette pour la circulation des .banques et de l'Etat déjà indiquée :i.u chapitre III. Consolidé Redevable Bons annuels Bons ordinaires 30-9-1922 millions 4:J.451 4.915 7.499 24.570 Emprunts de la caisse des dépôts et prêts 410 Totaux : dette à l'intérieur dettes à l'étranger 81.845 21.811 30-9-1923 44.446 4.862 11.033 24.163 548 85.052 22.138 Une seule remar,que à faire : la diminution des bons crdinaire~ était déjà commencée sous les précédents go.uvernements qui avaient même réduit l'intérêt. Le gouvernement fasciste n'a envisagé aucune réduction à ce sujet. Bjblioteca Gino Bianco

-20IX. LE DEFICIT DU BUDGET Les apolügistes du· fascisme ont répandu la fable que le Gouvernement actuel seul a· su ramener le budget de l'Etat au pait, réduisant le déficit de plusieurs milliards sur celui des années précédentes à très peu de chose près, pendant l'année en cours. La réa:ité est, au contraire, que cette tendance vers le pair est antérieure au fascisme et qu'elle est la conséquence, pour une bonne part, de la cessation des dépenses extraordinaires de guerre. Il sufit, en effet, d'enlever des déficits des années 1920 à 1922 la partie qui se rapporte aux dépenses exc.eptionnelles de guerre qui ont été soldées en reta~d cette année et la partie qui concerne la gestion des approvisionnements commencée pour des raisons politiques pendant la guerre et cessée en 1921, et l'on s'apercevra que ces déficits seront réduits de trois à cinq milliards, chiffres à peu près identiques à ceux qu'atteint le Gouvernement fasciste. Les recettes et les dépenses de 1920-1921 e,t de 1923-1924 : Dépenses normales· 1920-1921 millions 15.138 Dépenses de guerre, exceptionnelles et transitoires 21.091 Total millionis 36.229 Dépenses normales 1923-1924 millions 15.884 Dépenses de guerre, exceptionnelles et transitoire!, 2.297 Total millions 18.181 BibliotecaGino Bianco

- 21 Recettes normales 1920-1921 millions 13.085 Recettes extraordinaires et exceptionnelles . de guerre 5.730 Total millions 18.815 Re.cettes normales 1923-1924 millions- 14.486 Recettes extraordinaires et exceptionne:Ies de guerre 1.080 Total millions 15.566 Le budget de 1923-1924 a été exalté par le~- fascistes comme tout à fait exceptionnel, tout à fait différent de ceux de l'époque précédente, révolutionnant et améliorant les finances de l'Etat italien. Il résulte au co,ntraire des chiffres officiels que - laissant de côté les questions exceptionnelles dépendantes de la guerre ou déjà solutionnées par les gouvernements précédents - les budgets des recettes et des dépenses des années de l'après-guerre et de la deuxième année fasciste se ressemblent ou varient à peine en ce qui concerne le développement normal. Les seules économies importantes réalisées par les budgets atteignent les travaux publics, le travail, l'agriculture et l' industrie. Une partie de ces économies a été compensée par les · dépenses nouvelles arrêtées par les décrets-lois. Une partie aussi en a été réaliséè ~ui· des dépenses qui - en définitive - se transfor,ment en nouvelle richesse pour le pays ( travaux publics). La situation du budget et de la caisse Le déficit du budget de 1922-1923 a été de 3.041 millions. _,· ,·eci représente, en effet, une amélioration vis-à-vis des 3.255 millions de 1921-1922 et de!9 5.249 millions de 1920Biblioteca Gino Bianco

- 22 - 1921 ; mais on voit aisément que le miracle fasciste n'a rien d'extraordinaire. Pour ce qui concerne l'amélioration sur les prévisions antérieures (4 milliards), elle est simplement due au chapitre des certificats douaniers pour lequel le b.udget de 19221923 prévoyait une recette de 250 millions, tandis qu'elle a atteint 1.208 millions par l'effet des tarifs douaniers. Il faut ajouter aussi que l'impôt sur la richesse mobilière a donné un milliard en plus que ce qui était prévu (exactement 2.008 miLlions au lieu de 950 prévus), et que, tandis que dans les années précédentes on avait compris dans ce budget le passif de l'ancienne gestion des approvisionnements, en 1922-1923 on y a inscrit, aux recettes, lr.=i. somme de 814 millions. * * * Exercice 1923-1924. - Le bourrage de crâne sur l'équilibre du budget a été l'un de ceux le plus mis en honneur par les fascistes. Quatre mois à peine après la prise du pouvoir, les chefs fascistes autori~és annonçaient, dans des discours et dans la presse, que, grâce à eux, le ministre des finances garantissait l'équilibre du budget dans un an et demi. Or, tandis que l'on prévoyait un déficit de 2.616 millions, les experts ont pu déclarer que certainement le déficit serait bien supérieur. En effet, le 31 octobre 1923, c'est-à-dire ~eulement 4 mois. après le nouvel exercice établi par le Gouvernement fasciste, celui-ci était obligé d'ann'oncer que le déficit s'élevait à 2.858 millions non s.eulement sur le budget de 1923- , 1924, mais aussi sur les budgets futurs. Des ministères, oomme celui des Colonies, celui des Affaires étrangères, des Travaux publics - qui sont les plus sujets à l'éventualité des dépenses extraordinaires -· ont déjà épuisé tous les fonds de l'année et ils n'ont plus à leur disposition que des sommes presque négligeables. D'autres, comme celui de la Ouerre et celui de la Marine, • Bibliotéca Gino Bianco

- 23 - cnt encore de vastes disponibilités, m~is à 1a !suite du prolongement de la durée du service militaire ils ne seront pas suffisants. Cela est si vrai qu'ils demandent de nouveaux crédits. Le seul fait véridique c'est que l'équilibre du budget italien était déjà prévu avant la prise du pouvoir par les fascistes et cela arrivera automatiquement, d'ici que·ques années, à la suite de la cessation des reconstructions dans les régions libérées, de la résolution du problème des réparations et des dettes alliées et 1~~:.- la revision et la diminution du nombre des retraites aux victimes de la guerre. Le concours fasciste, donc, est réduit à presC'"e rien. Les ·recettes fiJcales · En matière d'impôts, des diminutions et des suppres&ions ont été promises, même à ceux des contribuables qui - avant !e fascisme - avaient organisé les grèves des contribuables. D'autre part, la presse fasciste publiait au mois de juillet 1923 l'annonce que l'on a·✓ ait fait 1.800 millions de recettes nouvelles. La réalité, c'est que les recettes fiscales - apri.:s la forte poussée des années qui suivirent la ·fin de la guerre pour équilibrer la dépréciation de la lire ~t pour faire face aux nouvelles dépenses apportées par la g_1..1erre- à l'heure actuelle, demeurent stabrisées au même chiffre atteint par les Gouve,rnement.s précédents. Les données officielles sont Ies suivJnks : Recettes fiscales. Année 1920-1921 1921-1922 1922-1923 1922 (janvier-octobre) 1923 id. millions 11.069 12.795 12.781 10.782 10.716 Il faut ajouter aussi 1.050 millions de 1921-1922 et 1.203 de 1922-1923 pour les différences entre la lire-papier et la Biblioteca Gino Bianco

- 24lire-or ( dr.oits de douane payés en or). Le total des impôts est de 14 milliards, payés dans les deux dernières années, contre 2 milliards avant lét guerre. CJest à ce grand effort - fait presque en entier dans l'après-guerre ( en 1919-1920 nous étions à peine à 7 milliards et demi et malheureusement la crise économique était déjà commencée), que l'Italie doit principalement la stabilité c!e sa monnaie et l'éventualité de l'équilibre du budget. Les socialistes revendiquent l'honneur d'y avoir poussé les gouvernements précédents, tandis que les fascistes ont excité toute 'a démagogie antifiscale des classes possédantes. contre les mesures prises en matière d'impôts ; ils ont organisé les grèves des contribuable~, et ils ont armé et subsidié les premières bandes de la guerre civile. Et corn me le fascisme auparavant avait profité de l'insuffisance fisca'.e, aujourd'hui il profite des conséquences bienfaisantes des moyens qu'il a combattus et il s'en vante comme de son œuvre. Les impôts en Italie - même sous le Gouvernement fasciste - continuent à frapper plus que jamais la consommation au lieu de la richesse. Voici les chiffres officiels des premiers dix mois de 1923 : Recettes provenant des impôts irqpôts directs échanges . ) con~ommat1ons 1~1onopoles ,:hangè ·et douanes millions 3.692 1.093 3.054 2.737. 900 Les itnpôts locaux 32 % sur la richesse 10 % sur ~a richesse 58 % sur la consomma tior1. Quoiqu'en 1922, sur plus de 8.000 administrations communales ita!iennes, il n'en demeurât que quelques centaines de socialistes, les impôts locaux ont augmenté de BibliotecaGino Bianco

- 25 - 25 % vis-à-vis de ceux de 1921. Cela démontre - au moins en partie -- l'incoercibilité d'une augmentation correspondant à la dépréciation de la lire (quatre fois plus que l'avant-g_uerre) et le manque de raisons sérieuses aux mouvements armés des fa:s,cistes contre les hôte~s municipaux. BibliotecaGino Bianco

.I OEUXIENlE PARTIE Les actes du Gouverne1nent fa,sciste I. - L'ABUS DES DECRETS-LOIS Le danger des décrets-lois était résumé ainsi, dans a ~.éance du Sénat, du 3 avril 1922, par son président, M. Tittoni - ancien Ministre des Affaires étrangères et ancien ~lm bassadeur d'Italie à Paris : ~:Le décret-loi - sauf les cas tout à fait exceptionnels -· » est le fruit de l'improvisation et de l'impréparation, de » l'impulsivité et de la précipitation qui sont les pires· >-...,dangers... » Le décret-loi est ·a voie tortueuse à laquelle ont recours ~..d.,es classes ou bien des associations temporaires ou perw>> rnanente~ d'intérêts particuliers, qui aspirent à obtenir » des avantages au détriment des autres classes o_u collec- » tivités sociales ; avantages que, par la voie droite de la « loi, elles ne réussiraient pas à obtenir. » Le décret-loi sert aux gouvernements· pour se ti.rer >'> d'embarras dans des moments difficiles ... payant cher la >"tranquillité momentanée aux frais du budget de l'Etat». Et, dans sa séance du 31 mai 1923, le Sénat votait l'ordre du jour suivant, accepté par le Gouvernement : « Le Sénat, convaincu de la nécessité de mettre fin à ·»l'usage des décrets-lois, passe à l'ordre du jour>>. · Or les statistiques officielles nous· donnent ces chiffres : BibliotecaGino Bianco

- 27 - Les1 décrets-lois Moyenne annue:Ie de 1901 à -1911 (période de la libe1~té et de l'influence socialiste) 4 Moyenne annuelle de 1915 à 1921 · (période excep- . tionnelle de la guerre et de l'après-guerre) 419 Pendant le ministère Facta (8 mois 1922) 103 Pendant l'année fasciste (sans compter les 800 · décrets environ émis en vertu de la loi des pleins pouvoirs) 517 c'est-à-dire qu'aucun Gouvernement n'a jamais fait autant et aussi déplorable abus des· décrets-lois. Les décreJs irréguliers Pendant la première année fasciste ont été repous~és_ par la Cour des comptes, et successivement enregistrés avec réserves, plus de 508 décrets, c'est-à-direJqu'aucun Gouvernement n'a jamais fait un usage aussi· irrégulier et illégal des décrets~lois. II. - LA POLITIQUE ~1SCALE Le programme fasciste A:.- M. Mussolini, à la vei]e des élections politiques de 1919, dans 50n discours à Milan, place Belgiç>ioso, a_ffirmait : « ... L'un de.s principaux postulats du programime fasciste, c'est la décimation de la richesse, la confiscation des sur.profits de guerr,e, et une for_te imposition sur le capital » (11 novembre 1919). · Dans le progra,m.me fasciste présenté par le C. C. fasciste au mois de juillet 1922, étaient répétés les postulats de caractère immédiat : « a) une forte imposition extraordinaire sur le capital, Biblioteca Gino Bianco

-- 28 - à c~ractère progressif, qui ait la forme d'une véritable expropriation partielle de toutes richesses, à payer dans un délai assez bref ; b) la main-mise sur tous les biens des congrégations religieuses et l'abolition de toutes les mense vescovili (apanages des évêques) qui constituent un énorme passif pour la nation et un privilège pour un nombre restreint d'individus ; c) la revision de tous les marchés de -fournitures de guerre et la saisie des surprofits de guerre demeurés improductifs ; cl) impôt lourd sur les successions ». Les réalisa.(ions fascistes Celles-ci sont exactement le contraire du programme : a) aussitôt pris le pouvoir, le Gouvernement fasciste s'émpresse (10 novembre 1922) par un décret-loi d'abroger la loi qui rendait nominatifs les titres aussi bien des banques que des sociétés. Ainsi ils ont été soustraits à tout impôt et à tout contrôle ; b) le 6 novembre 1922, dans une interview au Journal de Paris, le sous~secrétaire du Trésor déclarait « qu'on devait abroger la confiscation des surbénéfices de guerre ». Mais puisque ces recettes étaient nécessaires au budget, on a favorisé seulement celles des firmes - les plus puissantes - qui, depuis trois ans, s'étaient obstinément refusées à payer les impôts, Le rapport de la Société de navigation Lloyd Sabando, par exemple, conclut ainsi : « La question des surbénéfices de guerre pour notre société est définitivement réglée, à la suite des dispositions gouverne.mentales qui nous ont permis de ne pas payer au fisc des sommes qui avaient été employées dans la construction et l'achat de nouveaux navires ». c) le ministre des Finances a appelé « stupidissima ~ BibliotecaGino Bianco

(très stupide) l'impôt sur le capital ; et il a adressé à ses sous-ordres des circulaires pour que les évaluations et les t rainsactions fussent « les plus équitables, les plus rapides et les plu~ faciles », cela va sans dire, pour le contribuable capitaliste. d) l'impôt sur les· administrateurs et dirigeants des sociétés, anonymes a été réduit de moitié. e) idem pour l'i.mpôt sur la parfumerie et les objets précieux. f) ont été déclarés exempts d'impôt les apports de capitaux étrangers dans les industries italiennes, et cela par ceux qui avaient tant prêché contre les intrusions néfastes du capitalisme allemand et français. g) a été déclaré démagogique l'impôt sur les successions et a été remis au jour le principe de la « propriété quiritaire », romaine, c'est-à-dire où le droit de propriété était absolu et où le pouvoir ne devait pas intervenir d'aucune façon afin de la limiter. Le vieux ministre fasciste qui, dans la campagne électorale de 1921 avait déclaré : « Le droit de propriété doit être considéré com,me un simple fait de gestion dans l'intérêt de la collectivité et pas davantage. Le droit de propriété, tel qu'il était conçu par les Romains, est aujourd'hui un privilège qui ne doit plus exister ». (Nestefani, Vérone, 4 mai 1921) ; ce même Monsieur, arrivé au Gouvernement, abolit l'impôt sur la succession dans la famille, avec cette justification : « Le fascisme est aussi et surtout fondé sur le respect de la famille et sur le respect de la propriété romaine ». (Décret du 20 ~oût 1923). Par cette mesure, l'Etat a renoncé à 200 millions annuellement et aussi à la possibilité d'arriver, par des enquêtes rigoureuses., au moins à 400 millions, chiffre nécessaire p·our équilibrer le budget. h) ont été abolies toutes les mesures qui rendent progressifs les impôts personnels et qui avaient été décrétées dan~ l'après-guerre (novembre 1919) et cela à la suite des Biblioteca Gino Bianco

- 30 -- votes em1s par les associations des grands industriels et capitalistes. Comme compensation à la diminnution des contributions du capital et des classes riches, le gouvernement fasciste, peu après sa prise de possession du pouvoir, a frappé d'impôts, pour la première fois, tous 'es salaires des rétribués par l'Etat et par les Administrations publiques en général (communes, provinces•, sociétés de transports), dans la - proportion très élevée de 10 % et il a aussi frappé de nouveaux impôts les revenus des petits agriculteurs et maintenu à 20 lires l'impôt sur les produits vinicoles, malgré la réduction des prix. • III. -- LA POLITIQUE DOUANIERE Le ministre fasciste des Finances aime à se déclarer « libériste » de tendances et ses apologistes se sont plu à le constater à la suite de la suspension des droits douaniers sur le sucre, de la correction d'un tarif err-oné sur les farines et parce qu'il a accepté quelques réductions proposées par la Co·mmission parlementaire pour certains produits agricoles. Les faits suivants prouvent le contraire : a) Le Gouvernement fasciste a refusé la suppression des droits d'entrées protecteurs sur le blé, le riz, la farine. b) Il a refusé de réduire l'impôt sur le raisin et sur le vin ; sur les matières textiles : laine et coton. c) Il n'a pas donné suite aux votes de la Chambre concernant la ·,aine et la suppression du droit sur la fo,nte (remplacé par des droits sur les produits de la mécanique et de la métallurgie, sur le cuivre et ses dérivés). d) Il n'a pa,s accepté les propositions de réduire les droits sur les machines agricoles, sur les instruments de dessin, les machines à calculer, les crayons, les montres, les mèches pour mines, les câbles électriques, etc., les conBibliotecaGino Bianco

- 31 - serves de tomates, le beurre, les fromages, le savon. c) Il a refusé la proposition d'éliminer progressivement le coefficient de majoration sur le sucre et d'une réduction générale du droit sur le pétrole ; il a repoussé les propositions de. supprimer les droits sur les bois, et de les réduire sur les matériaux de construction, sur les verres, chaux, ciments, etc. ; il a refusé encore d'exempter de droits fes produits chimiques, médicaux, etc. IV. - LA POLITIQUE ECONOMIQUE 1 L'intervention de l'Etat dans l'économie privée Mussolini, dans son premier discours à la Ohambre (21 juin 1921) esquissait ainsi le pro gramme fasciste : << Il faut réduire l'Etat à son expression purement juri-· dique et politi.que. L'Etat se doit de nous donf!er une police, une justice, une armée, une politique étrangère. Tout le. reste, et sans exclure même l'école secondaire, doit rentrer dans l'a.ct:vité privée de l'individu ... Nous en avons assez du socialisme d'Etat. .. » Et le sous-secrétaire de Mussolini, exposant le programme du Gouvernement, le 4 février 1~23, disait : « Le Gouvernement réduira notre législation financière à son rôle classique qui exclut les interventions dange·reuses dans l'économie privée, fermant en même temps la Caisse de l'Etat pour les nombreux parasites qui, en •Ces dernières années, l'ont vidée. » Les actes du Gouvernement fasciste n'ont pas correspondu à s.es paroles, comme le démontrent les exemples ci-après. a) Le sauvetage de l'Ansaldo Par décret du 14-6-1923 a été approuvée la Convention Biblioteca Gino Bianco

- 32 - entre le Go.uvernement et la Société Ansaldo - convention àéjà arrêtée en février - par laquelle on opérait avec l'argent public le sauvetage d'une société privée, dont les immobili~ations et les spéculations avaient été la cause principale du crak de la Banca di Sconto, e,n faillite. L'Etat devenait actionnaire du groupe Ansaldo-Cogne, par l'apport de 72 millions au comptant, contre 78 millions d'actions attribuées aux porteurs des titres de· propriété des ,., immeubles, et plus de 41 millions et demi d'obligations hypothécaires. Le comm. Rosboch - un des• hommes fas-• cistes, devenu très riche après la conquète fasciste du pouvoir et dont le nom a été mêlé aux polémiques de ces derniers temps, en suite de quoi il a dû démissionner - le comm. Rosboch, donc, du cabinet du ministre, devient conseiller d'administration. Est aussi prévue, d'après l' Agenzia Economica - une combinaison avec la Fiat (fabrique italienne d'automobiles de Turin). D'autres parlent de combinaisons probables avec la firme française Girod, c'est-à-dire le Creusot. L'Etat s-'est, en outre, obligé de verser 22 millions à ceux qui ont construit et exploitent, à leur propre et privé compte, les six paquebots Battisti, quoiqu'ils n'aient droit qu'à un minime subside. L'Etat a reconnu encore le droit de subside de 900 lires à la tonne à d'autres paquebots de la même société privée, dont la construction sera achevée un an après le délai fixé par le décret sur ces subsides. 230 locomotives des chemins de fer de l'Etat seront réparées dans les usines de la société- privée Ansaldo, sans qu'on ait établi des prix et sans qu'on ait fait appel à la concurrence d'autres firmes. L'Etat s'est enfin obligé à donner à la société A11saldo une contribution annuelle, dont le montant n'a pas encore été fixé. A la. suite d'une transaction, l'Etat a accepté 52 millions en tout, au lieu de tous les impôts et taxes ordinaires· et surbénéfices dus par la société Ansaldo sur les nombreux ( Biblioteca Gino Bianco

-33rn.iUiards.de produits et profits du temps de guerre et d'aprè!5-guerre. b) L'achat des entreprises industrielles Le 29 avril 1923, le Gouvernement a décidé d'acheter 18.000 actions de la Raffinerie d'huiles minérales de Fiume, moyennant la somme de 8.300.443 lires, opération - selon· l'avis de M. Monti, fasciste - dangereuse, qui engendre une prospérité fausse à une industrie et qui est préjudiciable aux intérêt~· de l'Etat. Le comm. Rosboch devient conseiller-délégué ; les chefs fascistes Massimo Rocca, Dino Grandi - aujourd'hui sousecrétaire d'Etat -, lginio Magrini, sont nommés conseiller~ d'administration. c) les interv·entîonsbancaires A la fin de 1921, la Banca di Sconto fut mise en faillite, mai~ en 1923, le Go.uvernement fasciste, intervenant dans l'économie privée, contrairement à ce qu'il disait auparavant, a opéré le sauvetage de la Banca di Roma. Cela résulte des rapports de cet étabfü;sement, sans qu'il y eût des lois ou des décrets. Ce qui démontre que quelques personnes peuvent disposer du Trésor de l'Etat au profit d'une firme privée, sans contrôle public ni parlen1entaire. Cependant d'autre!S décrets, entre temps, ont été promuli.ués : t • On a renouvelé - par les décrets des 2-1-1923 et 27-9-1923 -' aux trois banques d'émission le privilège d'émettre des billets jusqu'en 1930. Aucune matière- n'était plms délicate que celle-ci et aucune n'aurait mérité un plus attentif exàmen des ~ommissions financières du Sénat et de la Chambre. A.u contraire> on a procédé par décret-loi, hors des limites des pleins pouvoirs et dans des circonstances ~jngulières. 3 Biblioteca Gino Bianco

- 32 - entre le Go.uvernement et la Société Ansaldo - convention àéjà arrêtée en février - par laquelle on opérait avec l'argent public le sauvetage d'une société privée, dont les immobilisations et les spéculations avaient été · la cause principale du crak de la Banca di Sconto, e_nfaillite. L'Etat devenait actionnaire du groupe Ansald,o-Cogne, par l'apport. de 72 millions au comptant, contre 78 millions ~ d'actions attribuées aux porteurs des titres de· propriété des immeubles, et plus de 41 millions et demi d'obligations hypothécaires. Le comm. Rosboch - un des· hommes fascistes, devenu très riche après la conquète fasciste du pouvoir et don.t le nom a été mêlé aux polémiques de ces derniers temps, en suite de quoi il a dû démissionner - le com.m. Rosboch, donc, du cabinet du ministre, devient conseiller d'administration. Est aussi prévue, d'après l'Agenzia Economica - une combinaison avec la Fiat (fabrique italienne d'automobiles de Turin). D'autres parlent de combinaisons probables avec la firme française Girod, c'est-à-dire le Creusot. L'Etat s·'est, en outre, obligé de verser 22 millions à ceux qui ont construit et exploitent, à leur propre et privé compte, les six paquebots Battisti, quoiqu'ils n'aient droit qu'à un minime subside. L'Etat a reconnu encore le droit de subside de 900 lires à la tonne à d'autres paquebots de la même société privée, dont la construction sera achevée un an après le délai fixé par le décret sur ces subsides. 230 locomotives des chemins de fer de l'Etat seront réparées dans les usines de la s-ociété. privée Ansaldo, sans qu'on ait établi des prix et sans qu'on ait fait appel à la conc.urrence d'autres firmes. ·L'Etat s'est enfin obligé à donner à la société An'saldo une contribution annuelle, dont le montant n'a pas encore été fixé. A la. suite d'une transaction, l'Etat a accepté 52 millions en tout, au Heu de tous les impôts et taxes ordinaires· et surbénéfices dus par la société Ansaldo sur les nombreux ' BibliotecaGino Bianco

-33rn.illiards .de produits et ·profits du temps de guerre et d'aprè!s--guerre. b) L'achat des entreprises industrielles Le 29 avril 1923, le Gouvernement a· décidé d'acheter 18.000 àctions de la Raffinerie d'huiles minérales de Fiume, moyennant la somme de 8.300.443 lires, opération - ·selon: l'avis de M. Monti, fasciste - dangereuse, qui engendre une prospérité fausse à une industrie et qui est préjudiciable aux intérêt~ de l'Etat. Le comm. Rosboch devient conseiller-délégué ; les chefs fascistes Massimo Rocca, Dino Grandi - aujourd'hui sou_ssecrétaire d'Etat -, lginio Magrini, sont nommés conseiller!, d' ad1ninistration. c) Les intervienfionsbancaires A la fin de 1921, la Banca di Sconto fut mise en faillite, mais en 1923, le Go.uvernement fasciste, intervenant dans l'économie_ privée, contrairement à ce qu'il disait auparavant, a opéré le sauvetage de la Banca di Roma. Cela résulte des. rapports de cet établissement, sans qu'il y eût des lois ou des décrets. Ce qui démontre que quelques personnes peuvent disposer du Trésor de _l'Etat au profit d'une firme privée, sans contrôle public ni parlen1entaire. Cependant d'autrelS décrets, entre temps, ont été promuli.ués : t • On a renouvelé - par les décrets des 2-1-1923 et 27-9-1923 -' aux trois· banques d'émission le privilège d'émettre des billets jusqu'en 1930. Aucune matière- n'était plus délicate que celle-ci ·et aucune n'aurait mérité un plus attentif examen des commissions financières du Sénat et de la Chambre. A.u contraire, on a. procédé par décret-loi, hors des limites des pleins pouvoirs et dans des circonstances ~jngulières. 3 Biblioteca Gino Bianco

-34La notification du décret du 27-9-1923, qui limitait à 60 lires le. dividende des actionnaires de la Banque d'Italie, au lieu d'être faite le samedi soir (comme pour_tous les décrets qui peuvent influen~er les Bourses) a été faite à différents moments entre le jeudi et le vendredi et il fut publié à l'Officiel un mois après. De nombreuses et très grosses spéculations ont été causes ·de bénéfices et de pertes très élevées. Sur ce scandaie, une enquête a été ouverte par le Gouvernement lui-même, et, tout naturellement rien n'est venu ... 2° Par les mêmes décrets, on a établi que l'impôt dû par le5· banques pour le papier-monnaie émis, a.u lieu d'être versé à l'Etat (.qui à ce titre avait encaissé jusqu'à 300 millions en un an, plus 200 millions après le cantonnement du premier troisième) devait être n1is en reserve jusqu'à concurrence des trois quarts pour suppléer aux pertes éventuelles des mêmes établissements, jusqu'en 1930. Pendant ce temps, on aura pu réserver plus de 2 -miHiards au bénéfice de la Banque d'Italie qui, par ordi·e du Uouvernement fasci~te, c'est-à-dire avec l'argent public, opère des sauvetages et cornble les pertes évent··elles. Mais, jusqu'à présent, les administrateurs des banques . 1 en faillite ou dans l'embarras n'ont pas été obligés. de payer. Le sénateur Guglielmo Marconi, faisant partie du Conseil de la Ba,nca di Sconto, a été inscrit au Parti fasciste en octobre 1923. En novembre 1923, il a été déchar,gé de toutes inculpations. d) La grande industrie puise sans limites aux banques d'émission Par décret-loi du 29-3-1923 (587), la faculté du Consortium privé pour subventions sur valeurs industrielles de puiser au cré.dit des étabHssements d'émission a été élevée au delà d'un milliard, somme qui, auparavant, était prévue. Biblioteca Gino Bianco

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