Interrogations - anno V - n. 16 - ottobre 1978

DOSSIER CNT «syndicaux», dans les manifs de rue, l'euphorie battait son plein. Et bien sûr, elle signifiait simplisme, goût du spectacle, fuite devant les vrais problèmes, discours répétitifs, triomphalisme de bas étage. Et là encore, rien de plus normal. Une façon de s'affirmer, en somme. Sans nuances. Euphorie gênante, cependant. Indécente même. Cette euphorie - là fonctionnait comme une pompe d'évacuation, en remplaçant la lucidité par la confiance en un avenir radieux, en excluant le vrai débat au profit du discours traditionnel, en écrassant le présent et sa spécificité socio-économique sous le poids du passé mythique. A grands coups de slogans - inventifs certes -, on refaire les barricades, les collectivités, la colonne Durruti et le reste. Persistance du grand mythe. Representation phantasmée d'une illusion stérilisante. Ambiguïté d'une époque où le radicalisme verbal détermine la justesse d'une idée, où le politique se présente comme une non-pensée, une façon de fermer les yeux pour ne pas voir cette réalité dérangeante et complexe, épuisante et démoralisatrice. Le mouvement libertaire renaissant - la CNT, surtout - eut tendance à penser qu'il suffisait de revernir les îcones et de proclamer sa pureté idéologique pour faire venir à lui - à elle - des masses désirantes d'auto-émancipation. Grossière et funeste erreur! Dans le reliquat de mémoire collective que le franquisme n'avait pas pu effacer, la CNT avait sa place, certes. Une place de choix. Le crédit de l'honnêteté. Cette place, c'était une chance de plus pour le mouvement, un filon exploitable. Utiliser ce crédit populaire - cette tradition - pour se pencher sur la réalité, si différente de celle que connurent les grands-pères, pour définir de nouvelles formes d'intervention, pour intégrer au discours ancien des formulations plus modernes, pour dépoussiérer le langage, pour sur l'histoire d'aujourd'hui sans chercher dans un hier - parfois discutable, d'ailleurs - des formules et des solutions. Oui, la tâche était rude - qui oserait le nier-, mais le jeu en valait la chandelle. Quels étaient, donc, en cette fin 1976, les contours de la CNT? Qu'y-avait-il derrière le sigle? Que représentail-elle? Ces questions, il faut bien se les poser et tenter d'y répondre. Les doutes relatifs à la necessité de l'organisation rendent souvent difficile, pour ne pas dire impossible, la solution des problèmes organisationnels. Dire que le militant de la CNT ne connaît pas avec exactitude les motivations et les conséquences de son adhésion à l'anarcho-syndicalisme, relève de la plus évidente banalité. La reconstruction de la CNT résultait plus du volon75

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