FREDDY GOMEZ tèrent, le plus souvent écoeurés par l'esprit de parti. Et, chemin faisant, ils redécouvrirent leur histoire ignorée et, parfois, rencontrèrent des visages, ceux des survivants, avec lesquels ils s'engueulaient souvent mais qu'au fond ils aimaient bien. Ces autres, c'étaient les petits-fils, les rejetons d'une génération rampante, faite de peur et oublieuse des crimes passés et présents des grands croisés de l'Espagne traditionnaliste, apostolique et réactionnaire. Ces autres, c'étaient les fils des franquistes par consentement. Ils avaient fait, seuls, la route de l'antifranquisme à l'idée libertaire. Eux aussi, comme les grands-pères, attendaient la reconstruction de cette CNT mythique qui encombrait une partie de leurs rêves. La reconstruction de la CNT était attendue, mais aussi discutée. La CNT avait été. Pourquoi serait-elle de nouveau? On pouvait se le demander et on ne s'en privait pas. Il y en avait même qui, péremptoires en diable, théorisaient son extinction définitive. Une vieillerie, comme aurait dit Engels. Une forme arriérée d'organisation ouvrière libertaire. Un phantasme de nostalgiques, sympathiques mais dépassés (5). Ils étaient même nombreaux ceux qui ne voyaient dans l'anarcho-syndicalisme qu'un succédané du syndicalisme réformiste, intégrateur et contractuel de nos démocraties libérales européennes. D'autres groupes libertaires hésitaient entre le nouveau et l'ancien. Sans se prononcer définitivement sur les chances de la CNT. Sans faire table rase de la spécificité ouvrière de l'anarchisme espagnol. En songeant - secrètement - à une CNT solide de fondation, bien ancrée dans la classe ouvrière, mais ouverte à l'esprit du temps, à la grande marée de l'après-68 aux nouvelles formes de lutte, aux sensibilités éparses et diluées du front du quotidien. Et puis, il y avait les autres, les tenants d'une sorte de culte du passé, les « la CNT sera toujours la CNT », les inamovibles gardiens de l'orthodoxie, bien accrochés à une misérable parcelle de pouvoir (une CNT en exil, réduite à une peau de chagrin, secouée par les crises internes, vidée de sa (5) Le petit pamphlet de l'ami Carlos Semprun Maura, Ni Dios, ni amo, ni CNT, illustre parfaitement cette thèse. Il fut publié à Paris, en 1975, par les éditions Viejo Topo. Dans une récente interview accordée à la revue contre-culturelle Ajoblanco, CSM - trois ans plus tard - ne varie pas d'un poil dans son analyse. Pour lui, au contraire, la situation actuelle de la CNT confirme ses prévisions quant à l'impossible reconstruction d'une CNT non bureaucratique et ses dires sur l'inviabilité de l'anarcho-syndicalisme. II faut de la constance en toute chose ... 68
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