YOURI F. ORLOV quement liée à une hyperbureaucratisation, accompagnée d'une certaine indolence des dirigeants au niveau exécutif. Cela est partiellement compensé cependant par la possibilité d'intervention du détenteur central de l'initiative. Ce propriétaire collectif est de cette façon non seulement intéressé à la conservation de ses privilèges de véritable propriétaire, mais il voit aussi l'importance de son rôle dans le système,· et il voit juste. Le cercle, par conséquent, se referme. Voilà pourquoi je suis convaincu que l'union d'une économie monopolisée entre les mains de l'Etat et de la démocratie est infiniment difficile. La démocratie, disons les Soviets, pourraient-ils remplacer l'appareil existant dans son rôle d'initiateur, de dirigeant dynamique et de surveillant? Comment cela se présenterait-il d'une manière concrète ? Est-ce que, par exemple, la décision quant au développement d'une production serait prise à la majorité des voix dans de quelconques Soviets, ou à l'aide d'un référendum ? Qui prendrait les décisions clés, exigeant une prise dE' position immédiate ? A quoi aboutirait la liquidation de l'appareil de répression idéologique, dans une situation où on n'aurait plus guère besoin de lui ? Si le cadre d'une planification centrale rigide était maintenu, quel serait le mécanisme de la prise de décisions en matière de modification qualitative et non seulement quantitative de la production? A quelle compétence du tout pourraient prétendre des Soviets populaires en matière de progrès scientifique et technologique? Se heurtant à ces problèmes pratiques, la démocratie se trouverait placée devant un choix : soit prendre une décision sage quant à la décentralisation de l'initiative économique, en renonçant à s'occuper des questions scientifiques complexes en matière de production et en réservant à sa compétence seulement les questions se rapportant aux intérêts des travaflleurs ; soit en revenir à la dictature centralisée des technocrates avec toutes les conséquences qui en découlent, c'est-à-dite à procéder en pratique à l'auto-liquidation de la démocratie. Mais l'idée de la planification centralisée vaut-elle uri tel sacrifice ? Pourquoi conserver un tel colosse que la démocratie n'est pas réellement en mesure de digérer et qui ne convient qu'à l'estomac de fer d'un régime totalitaire ? Ces considérations s'appliquent moins aux pays de plus faible importance. La juxtaposition de petits pays à économies centralisées donne lieu dans l'ensemble à des systèmes décentralisés, à l'intérieur desquels les conditions sont moins favorables à l'éclosion du totalitarisme. 70
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