Interrogations - anno III - n. 7 - giugno 1976

VACLAV HAVEL res, de lâches incorrigibles et d'incapables ambitieux qui, dans le vide généralisé, se sont jetés sur leur grande chance. Je ne veux pas seulement décrire ces phénomènes, mais plutôt tenter de réfléchir sur certains aspects profonds de cette situation. EN PREMIER lieu : aussi mauvaise que soit la situation présente, on ne peut pas dire que la culture n'existe pas. Les théâtres jouent leur répertoire, la télévision continue de diffuser, des livres paraissent. L'ensemble de cette culture publique et légale porte cependant une marque fondamentale : son caractère superficiel causé par sa coupure de sa substance véritable, par sa castration totale en tant qu'instrument de prise de conscience de l'individu et de la société. Même si aujourd'hui un élément d'une valeur indiscutable apparait - par exemple, pour rester dans le domaine des arts, une performance d'acteur remarquable - il semble être toléré uniquement grâce à sa subtilité, sa sublimation et reste par conséquent assez inoffensif pour le pouvoir. Mais dans ce cas - dès que l'impact se fait sentir de façon un peu plus prononcée - le pouvoir se défend instinctivement (il existe des cas où un bon acteur fut interdit uniquement parce qu'il était trop bon). Cela 1·este cependant secondaire. La question intéressante est de savoir comment cette superficialité se manifeste dans les arts, disposant de moyens beaucoup plus directs pour exprimer l'expérience humaine du monde et jouant leurs rôles de révélateurs d'une façon beaucoup plus évidente. Lorsque parait - cela arrive parfois - une œuvre littéraire - mettons une pièce de thé'âtre - d'une indéniable habileté, d'une suggestivité astucieuse - quelle que soit par 1ailleurs sa qualité - nous pouvons être certains d'une chose : elle ne dépassera pas d'un pouce Je cadre fétichisé conventionnel et banal de la fausse conscience sociale présentant et acceptant comme une expérience authentique du monde ce qui n'en est qu'un semblant, composé de détails superficiels et bien polis, voire d'une sorte d'ombre morte, d'une expérience depuis longtemps acceptée et domestiquée dans la conscience de la société. Il en est ainsi du fait de la censure ou de l'autocensure du type d'auteur capable de se mentir à lui-même, de résignation ou de calcul. En dépit de cela ou peut-être à cause de cela, une telle œuvre pourra toujours amuser, émouvoir et intéresser certaines gens sans qu'elle ne jette un éclairage neuf sur la connaissance véritable au sens d'une révélation de l'inconnu, d'une expression de quelque chose d'inexprimé jusque-là, de neuf ou de seulement pressenti. . En imitant le monde réel, cette œuvre au fond le falsifie. Ce n'est pas par hasard que dans sa forme concrète elle puise le plus souvent dans le répertoire gui jouit, chez nous traditionnellement - grâce à son caractère inoffensif - des faveurs du pouvoir qu'il soit bourgeois ou prolétarien. Je veux parler de l'esthétique 'de la banalité ancrée dans le cadre de la morale petite-bourgeoise bornée, dans la philosophie sentimentale d'un humanisme d'un café de 96

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