Interrogations - anno III - n. 7 - giugno 1976

VACLAV HAVEL !a qualité de leur logement, s'efforcent de ·mener une vie agréable, se font construire des maisons de campagne, s'occupent de leur voiture, attachent plus d'importance à la nourriture, à l'habillement, au confort domestique : en somme ils se fixent des paramètres matériels à leur vie privée. Cette orientation sociale a évidemment ses conséquences économiques positives : elle contribue à développer le secteur,. tant négligé, de la production de biens de consommation et des services ; elle· contribue à élever le niveau de vie de la population : elle représente pour l'économie nationale un c!ynamisme capable d'assurer, même partiellement, un accroissement des richesses matérielles que la raideur, la bureaucratisation et la faible productivité de l'économie étatisée aura.ient du mal à produire (il sUffit de comparer la qualité de la construction des logements étatiques et privés). Le pouvoir souhaite et encourage ce transfert d'énergie vers la sphère du « privé ». Pourquoi ? Pour ses effets de stimulant du développement économique ? Certainement aussi. L'esprit de toute propagande et de la pratique politique présente discrètement mais systématiquement cette orientation vers «l'intérieur» comme Je contenu profond de la réalisation de l'homme, mais il trahit trop clairement les raisons qui poussent le pouvoir à encourager ce transfert : d'abord et avant tout pour ce qu'il est à l'origine : une fuite hors du domaine public. Sentant fort justement que les forces ainsi dégagées, si elles agissent vers ,, l'extérieur», se tourneraient tôt ou tard contre le pouvoir (ou contre sa forme actuelle qu'il refuse de changer), il n'hésite pas à donner à la vie humaine un substitut piteux. Ainsi l'attention de la société - pour faciliter la domination du pouvoir - est consciemment détournée d'elle-même, à savoir des affaires sociales : en clouant toute l'attention de l'homme au « ras du sol » de ses intérêts de consommateur, on veut le priver de sa capacité de percevoir Je degré croissant de son asservissement spirituel, politique et moral. Réduit au rôle· de porteur unidimensionnel d'idéaux de la société de consommation, il doit se transformer en matiè:re souple, propre à toutès les manipulations. Le danger qu'il soit tenté par l'une des innombrables et imprévisibles possibilités qu'il possède en tant qu'homme, doit. être étoUffé dans l'amf en l'enfermant dans l'horizon minable des possibilités qui lui sont offertes comme consommateur limité au marché planifié. ToUT semble indiquer que le pouvoir social se comporte ici dans le seul but de •la survie : s'efforçant de se maintenir au pouvoir én suivant la voie de la moindre résistance, sans se soucier du coût de l'opération : la mutilation brutale de l'homme en tant qu'homme. En même temps, le pouvoir social invoque sa légitimité avec une persistance quasi abusive, par son idéologie révolutionnaire, dont l'idéal est la libération complète de l'homme. Mais qu'est-il advenu de l'homme capable d'épanouir sa personnalité d'une manière com92

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