Interrogations - anno III - n. 7 - giugno 1976

POUVOIR ET SOCIETE PRIMITIVE les leaders sont démunis de tout pouvoir, la chefferie s'institue à l'extérieur de. l'exercice du pouvoir politique. Fonctionnellement, cela parait absurde : comment penser dans la disjonction chefferie et pouvoir ? A quoi servent les chefs, s'il leur manque l'attribut essentiël qui ferait d'eux justement des chefs, à savoir la possibilité d'exercer le pouvoir sur la communauté? En réalité, que le che{ sauvage ne détienne pas le pouvoir de commander ne signifie pas pour autant qu'il ne sert à rien : 11est au contraire investi par la société d'un certain nombre de tâches et l'on wurrait à ce titre voir en lui une sorte de fonctionnaire (non rémunéré) de la société. Que fait un chef sans pouvoir ? Il est, pour l'essentiel, commis à prendre en charge et à assumer la volonté de la société d'apparaitre comme une totalité une, c'est-à-dire l'effort concerté, délibéré de la communauté en vue d'affirmer sa spécificité, son autonomie, son indépendance par rapport aux autres communautés. En d'autres termes, le leader primitif est principalement l'homme qui parle au nom de la société lorsque circonstances et événements la mettent en relation avec les autres. Or ces derniers se répartissent toujours, pour toute communauté primitive, en deux classes : les amis et les ennemis. Avec les premiers, il s'agit de nouer ou de renforcer des relations d'alllance, avec les autres 11s'agit de mener à bien, lorsque le cas se présente, les opérations guerrières. Il s'ensuit que les fonctions concrètes, empiriques du leader se déploient dans le champ, pourrait-on dire, des relations lnt~mationales et exigent par suite les qualités afférentes à ce type d'activité : habileté, talent diplomatique en vue de consolider )es réseaux d'alliance qui assureront la sécurité de la· comm~auté ; courage, dispositions guerrières en vue d'assurer une déf'ense efficace contre les raids des ennemis ou, si possible, la victoire en cas d'expédition contre eµx. Mais ne sont-ce point là, objectera-t-on, les tâches mêmes d'un ministre des affaires étrangères ou d'un ministre de la défense ? Assurément. A cette différence près néanmoins, mais fondamentale: c'est que le leader primitif ne prend jamais de décision de son PfOpre chef (si l'on peut dire) en vue de l'imposer ensuite à sa communauté. La stratégie d'aî11ance qU'll développe, la tactique militaire qu'il envisage ne sont jamais les siennes propres, mais celles qui répondent exactement aù désir ou à la volonté explicite de la tribu. Toutes les tractations ou négociations éventuelles sont publiques, l'intention de faire la guerre n'est proclamée qu'autant que la société veut qu'll en soit ainsi. Et 11ne peut naturellement en être autrement : un leader aurait-il en effet l'idée de mener, pour son propre 5

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