:MARIE MARTIN il n'est que d'entendre les responsables syndicaux se reconnaitre comme « négociateurs professionnels >. Le nec plus ultra des objectifs syndicaux, depuis l'origine, c'est la gestion des institutions propres - caisses de chômage, de grève, voire caisses maladie ou de retraite - et la gestion paritaire .des organes de l'économie et de l'Etat. La gestion autonome de caisses de prévoyance permet le contrôle de leur fonctionnement et donne au syndicat, pour autant qu'il soit assez fort, une base financière solide. Mais elle alourdit aussi l'appareil, les fonctions logistiques de l'organisation, et au profit de sa sauvegarde on peut renoncer à des actions mob111satrices ou risquées : le nerf de la guerre se dissout dans le métabolisme de la paix sociale ... Quant à la participation de représentants des travailleurs aux conseils de survelllance ou aux conseils d'administration des grandes sociétés, elle est obtenue depuis peu, « de haute lutte >, dans des pays comme l'Allemagne ou la Suède, avec certains droits de veto sur des points mineurs, et fait pâlir d'envie les syndicats de pays moins «démocratiques>. L'obtention d'un droit de regard sur la sécurité dans l'entreprise, les dangers des machines et des substances utilisées, avec la possibilité de stopper le processus de production lorsque les risques sont prouvés, semble aussi une conquête révolutionnaire. Rien n'est plus propice, au contraire, à la mutation des syndicats en institutions, partie prenante de la modernisation du capitalisme. D'une part à travers la spécialisation dans les syndicats mêmes (les !onctions de représentation et de négociation des permanents prenant le pas sur les contacts avec ceux qu'ils sont censés représenter, leur écoute des problèmes quotidiens du travail, leur rôle dans l'agitation et la mob1lisation), d'autre part avec le manque d'imagination général des syndicalistes et leur formidable respect du savoir, de la science, de la technique (8). Ce sont les administrateurs et les directeurs qui posent les termes de la discussion, jusqu'aux horaires et à la tenue de rigueur; ce sont les techniciens qui définissent les possibllités d'aménagement des locaux et de diminution des accidents ; ce sont les juristes et les hauts fonctionnaires qui rédigent les lois et les interprètent. Les syndicalistes reproduisent ces conduites, apprennent la logique de leurs adversaires sous couvert de se faire mieux entendre : ce qui est certainement le cas lorsqu'ils parlent le même langage et reconnaissent les mêmes valeurs. (8) Voh· l'article de Nico Bert! sur les rapports entre science et pouvoir : « Antlcipazioni anarchlche sui nuovl padroni », Interrogations_ ~-6), _1976. 36
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