Interrogations - anno III - n. 7 - giugno 1976

JOELLE KUNTZ entreprendre sa réconciliation avec la Nation, exigence intouchable, l'armée sera néo-colonialiste et splnollste. S'il lui faut être plus tard anti-colonlallste, et ce sera là son choix politique le plus marquant et le plus lourd de conséquences, elle le deviendra avec ferveur: n'ayant elle-même que des intérêts de caste ou de corporation, mals pas de politique propre, elle suivra, comme elle l'a toujours fait, parce qu'elle est, au fond, de nature républicaine, chose publique, la politique la plus en vue dans le hit parade du moment. L'armée, ainsi, entretient cette ambiguïté qui la fait apparaître comme le germe de toute politique alors qu'elle n'en est, au mieux, que la matrice. On aura pu lui faire dire et penser à peu près n'importe quoi, pourvu que ce soit bien emballé et qu'elle touche son ticket de popularité. S'il fut un temps où l'on parla de dictature militaire, on constatera pourtant que les tentatives qui s'en rapprochent le plus n'ont cependant pas réussi ni à s'imposer à l'ensemble de la société, ni à s'imposer à l'ensemble de l'armée. D'une part, la société civile était déjà assez bien outlllée pour opposer quelque résistance, d'autre part, républicaine dans ses structures fondamentales, l'armée, pour instaurer une dictature, aurait dü procéder à une épuration et à une reformulatlon internes dont la radicalité n'est guère dans les mœqrs du pays. On reviendra sur ces derniers aspects. Pour résumer ce bref détour dans l'histoire, on admettra donc que ni fasciste en soi, ni colonialiste en sol, divisée au contraire, à chaque opportunité, sur ces grandes options, l'armée portugaise aura représenté, tout au long du régime de Salazar, une forme bâtarde de souveraineté populaire, remplaçant à la fols les partis et les institutions démocratiques. (Le parti unique de Salazar et ses annexes de jeunesse, civiles et parammtalres, ont tenté sans succès de se réclamer de la Nation : seule l'armée, pourtant, pouvait, sans tomber dans le ridicule, prétendre à ce rôle.) L'armée représente en outre la continuité de la société portugaise, tout imprégnée encore de ce fait historique qu'avait été la révolution républicaine de 1910. Salazar, au contraire de Mussolini ou de Hitler, n'est pas un révolutionnaire, il n'a pas cherché à changer de société ni n'a pour elle de désir plus ambitieux que celui-là : la faire vivre habituellement. Il hérite, par sa modestie même, d'une armée qu'il ne transforme pas, armée de milice, républicaine, c'est-à-dire disposée à tout pourvu qu'elle soit almée du peuple dont elle émane en partie, par la force des choses et le nombre des soldats nécessaires. 16

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