Interrogations - anno III - n. 6 - marzo 1976

SAINT-NAZAIRE cinq, mais huit grands paquebots, sans compter des navires de moindre importance pour d'autres petites compagnies. Fait à noter, si le premier de ces paquebots était encore muni de roues à aubes, les suivants furent équipés d'hélices, moyen de propulsion qui commençait à s'imposer. En conséquence, les travaux d'aménagement avaient provoqué un apport d'ouvriers dont l'afflux s'accéléra. Ouvert avec 600 ouvriers, le chantier en comptait 1 800 un an après sa création. Et cette accroissement se poursuivit les années suivantes, si bien qu'en dix ans, de 1856 à 1866, la population de SaintNazaire faisait un bond spectaculaire, passant de 5 000 habitants à près de 18000. Quant aux quinze spécialistes venus d'Angleterre pour la mise en route du chantier, ils avaient trouvé sur place, en Brière, une main-d'œuvre mi-rurale mi-ouvrière, déjà familiarisée avec la construction des navires en bois et qui passa sans difficulté du travail du bols à celui du fer. La Brière fournissait une grande partie de l'effectif du chantier. Ce qÙi n'était pas sans Inconvénient pour les ouvriers nazairiens, car les Briérons, se contentant de peu tandis que leurs familles continuaient en leur absence d'exploiter les champs paternel,c;;, leur faisaient une redoutable concurrence. Dans cette plaine de la Grande-Brière, région marécageuse s'étendant sur une quinzaine de kilomètres au nord de l'embouchure de la Loire, où les villages étalent en partie formés de chaumières, les habitants vivaient traditionnellement de l'élevage des moutons ou des vaches sur des prairies asséchées en été et de l'exploitation de la tourbe qui était à peu près le seul combustible de la région. Ils devenaient aussi, à l'occasion, paludiers, extrayant le sel des marais. Il faut dire que la Brière avait vécu des siècles dans une autarcie farouche. Seuls, les « hommes noirs ~. sur leurs « plates~. mal gréées et manœuvrées à la perche, remontaient séculairement leurs cargaisons de mottes de tourbe sur le marché de Nantes. L'immense marais de dix mille hectares fournissait alors ,à ses habitants le vivre et le couvert. Avec ses tamis et ses fouënes, le Briéron pêchait l'angullle, le brochet et toute une variété de poissons. Il filait la laine de ses moutons, il barattait le lait de ses vaches noiraudes, couvrait sa maison de roseaux et chauffait son foyer avec la motte. Quand les grands travaux commencèrent au chantier, ils y apportèrent leur allure franche et gueularde, leur indépendance atavique associée à une haute idée de la dignité personnelle. Aussi abandonnaient-ils facilement le chantier au retour 7

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