NICOLAS FAUGIER Dans la ruche immense que constituent les différents secteurs professionnels des Chantiers de l'Atlantique, où s'affairent quelque dix mille travailleurs de toutes catég ories, 11 convient de faire observer que l'ouvrier y subit les contraintes d'une maitrise qui, à certains échelons, ne brille pas toujours par la compétence et dont le choix a été parfois dicté p ar le zèle inconditionnel et l'aptitude aux fonctions de survelll ance, de commandement, c'est-à-dire à veiller non seulement à la production, mals à l'application des consignes patronales, même les plus arbitraires. De même, il doit se battre avec le s c chronos> qui, eux non plus, ne lui font pas de cadeaux. Il ep ressort que, dans ce domaine aussi, la modernisation des entreprises n'a pas été sans répercussions sur les c onditions de travail. On a fait la chasse aux temps morts, on a consacré des sommes énormes à la recherche, aux investissements, mais trop souvent négligé le côté social et humain. Et tand is qu'on s'étend en belles phrases sur les relations humaines d ans l'entreprise, on s'intéresse aux machines, pas à l'homme. Il n'y a pas encore si longtemps, l'ouvrier des Chantier s, le professionnel (n'oublions pas que c'est le cas de 85 % du personnel), travamant sur plan, au sein d'une équipe, à la confection d'un des éléments du navire, avait le goftt de so n métier. Il savait, 11 sentait qu'il participait à une œuvre, 11 vivait la progression du montage du bâtiment, et 11·en était fier. · Puis, peu à peu, la responsablllté de l'ouvrier est ·devenue de plus en plus réduite. La division extrême du travail, en vue de la productivité, a fait que l'ouvrier n'est plus res ponsable que de la parcelle de travail qu'il accomplit. Il ne sai t plus ce qu'elle vaut par rapport à l'ensemble. Et ce qui est grave, c'est que. cet amoindrissement de sa personalitné s'opère in sensiblement sans que lui-même en ait pleinement conscience . Autre conséquence non moins grave de ce travail en miettes, fragmenté, morcelé : la multiplication de catégorie s professionnelles hiérarchisées qui, trop souvent, s'ignorent, se désintéressent les unes des autres d~s la revendication. D~ plus, l'ouvrier devient polyvalent. Il n'est pas de jour qui passe sans qu'il soit déplacé, muté ailleurs : un jour ajusteur, le le ndemain soudeur ou tôlier, selon les vues des concepteurs des bureaux d'études qui ignorent, ou feignent d'ignorer, les suit es de ce brassage sur l'individu rendu passif, dépersonnalisé. L'i mportant n'est-il pas d'accentuer le rendement, de produire en core plus vite, tôujours plus vite. 26
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