Interrogations - anno III - n. 6 - marzo 1976

NICOLAS FAUCIER comme la réduction du temps de travail est non seulement une garantie contre le chômage, mais encore plus de liberté arrachée par bribes à l'exploitant à qui profitent les longues journées. La sécurité de l'emploi a toujours été au premier rang des préoccupations de l'ouvrier nazairien, de celui des Chantiers surtout, car, à part l'entreprise d'aviation nationalisée, la S.N.I.A.S., et quelques sous-traitants dépendant pour l'emploi, eux aussi, de l'activité des Chantiers, 11 était, et· reste, à la merci d'un seul patron, d'une seule industrie. Tôt levé, tard couché, selon l'alternance des c quarts > de travail, l'ouvrier nazairien est demeuré prisonnier du maitre du lieu qui s'est de tout temps voulu, par les manœuvres qu'on a pu apprécier, le seul utmsateur de la main-d'œuvre locale pour maintenir sa domination et éviter d'être concurrencé par des avantages qu'il lui a toujours refusés. Cette situation privilégiée ne lui permettait-elle pas, ainsi qu'on l'a vu, de peser à sa guise, suivant les aléas des commandes et de la production, sur les conditions de rémunération et de travail de son personnel; d'user à l'occasion de la menace et du chantage, du lock-out ou des heures supplémentaires, donc d'affamer ou d'exploiter tour à tour selon le cas une population ouvrière ainsi tenue en laisse ? Qu'on s'étonne après cela de certaines explosions de légitime révolte, de ces luttes incessantes pour le pain et le droit au travail. Il es·t possible qu'en 1955, la fureur des métallos ·de Penhoët ait pu leur causer une réputation inquiétante, mais Us y étaient acculés, face à un adversaire se croyant sftr de lui. Faut-il donc pour cela accréditer cette légende, reprise par des journalistes en mal de copie ou avides de sensationnel, que Saint-Nazaire, capitale de la construction navale, serait aussi celle de la violence, voire une chaudière d'agitation sociale ? Frondeur, cabochard l'ouvrier nazairien? Certes, mais qui ne réagirait de même dans de telles conditions ? Francs du coll1er, durs à la besogne, pourquoi les gars des Chantiers le seraient-ils moins s'agissant de la défense de leurs intérêts ? Ont-ils tort de considérer que l'entreprise, c'est aussi les salariés qui la font vivre et à qui elle doit assurer une existence plus en rapport avec leurs besoins les plus élémentaires? A Saint-Nazaire, on l'a souligné ici à plusieurs reprises, la population qui a progressé rapidement au cours des années est assèz disparate. Au noyau originel, est venue s'ajouter peu à peu, par le recrutement intensif de la main-d'œuvre, une population ml-côtière, mi-terrienne, attirée par les hauts salaires et 24

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