Interrogations - anno II - n. 5 - dicembre 1975

RENEFURTH D'autres imperatifs vont renforcer la necessite de forger une langue et une conscience nationales unitaires : la constitution de !'Empire colonial exige des troupes convaincues de la valeur de la civilisation fran!;aise et debarrassees de tout sentiment d'un imperialisme fran!;ais subi « a l'interieur meme » ; et l'inegal developpement economique demande cette mobilite de la main-d'oeuvre que facilite le fran!;ais elementaire. Des nostalgies poetiques au « nationalisme revolutionnaire » A PARTIR de la Revolution, le combat contre les langues regionales apparait en surface comme un combat pour la culture et contre !'ignorance, comme un combat lai:que et republicain. C'est la certainement un aspect de la question, et cette coloration progressiste a longtemps cache !'assimilation autoritaire, le dressage economique et le refoulement de langues qui avaient nourri des cultures fecondes et tissaient encore l'essentiel des relations quotidiennes dans de larges milieux populaires. Cette repression est ressentie dans la frustration, !'humiliation et le retrait ; elle appauvrit la vie sociale et bloque !es evolutions au lieu de Jes accelerer. La deconsideration des « patois » conduit a la deconsideration des activites et des preoccupations de la vie quotidienne. L'ecart n'en sera que plus grand et plus demobilisant entre les nobles affaires (dont la « politique ») traitees en fran!;ais et le trivial affairement des « basses couches>> populaires. Revaloriser la langue minoritaire, c'est aussi rendre sa dignite au quotidien. La resistance a la politique linguistique prend corps des le XIX' siecle. Dans cette premiere etape elle est presque exclusivement le fait d'erudits et de petits notables nostalgiques, amoureux de leur litterature en perdition mais sans comprehension pour Jes problemes socio-politiques de la langue populaire reprimee. La degustation elitaire et morose de beaux textes laisses pour compte, le souvenir des structures etatiques abolies vont les detourner du present et Jes coincer dans un « apolitisme » conservateur. Et souvent, la dzfense de la langue ethnique est aussi consideree comme un barrage contre les idees subversives diffusees par le fran!;ais. Le clerge joue un rOle actif dans cette tentative de prophyJaxie, et la gauche se verra confortee dans son centralisme. De plus, cette defense elitaire, et au mieux folkloriste, contribue de son cote a !'effacement des traditions de contestation et de Jutte populaires. 16

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